Du 17 au 21 juillet, 8 jeunes du Corner Alphaléo de Feyzin (à proximité de Lyon) se sont rendu·es à Péruwelz, en Belgique, pour un séjour solidaire encore inédit pour le réseau Léo Lagrange ! En immersion au sein de la communauté Emmaüs de la Poudrière, les adolescent.es ont vécu quelques jours au rythme d’une vie dédiée au travail et aux temps collectifs. Ce déplacement hors des frontières françaises était également l’occasion pour ces jeunes lyonnais de découvrir Bruxelles et Lille, pour deux journées de tourisme. Retour sur cette semaine pleine de bons moments et de valeurs solidaires !
La vie à la Poudrière de Péruwelz : un quotidien rythmé par la solidarité et l’entraide
À la frontière belge, la Poudrière de Péruwelz est une communauté labellisée Emmaüs depuis plusieurs années. Deux fois par semaine, elle ouvre les portes de son gigantesque hangar au public pour permettre au plus grand nombre d’accéder à des objets, vêtements, mobiliers ou encore décorations de seconde main, à petit prix. Derrière ce temple de la récupération, des hommes et des femmes s’engagent au quotidien pour faire vivre ce lieu unique, en travaillant à la gestion quotidienne des affaires courantes : réception et tri des dons, rayonnage, accueil et caisse du magasin, maraîchage, cuisine collective et entretien des lieux… Ainsi qu’à la restauration du « village » de la communauté… Pour beaucoup de ceux qui habitent à la Poudrière, cette communauté a été une bouée de secours qu’ils ont saisie au moment où ils en avaient le plus besoin, un moyen de se réinsérer en société grâce à l’entraide et à la solidarité. Olivier Dumoulein est membre de la Poudrière depuis 7 ans, il explique :
« Je pense que la maladie de notre société c’est le culte de la concurrence et de la compétition. On nous l’inculque tous dès qu’on rentre à l’école. À la Poudrière, notre projet c’est de sortir de ça, de pouvoir donner une vie digne à des personnes qui se sont trouvées à un moment donné exclues de la société ou bien qui n’ont pas réussi à s’y intégrer, ça peut arriver à tout le monde. Puis comme on est une communauté pluraliste, d’accepter tout le monde tel qu’il est, d’accepter la différence de l’autre et sa propre différence. »
En partageant leur quotidien au service du bien commun, les compagnons de Péruwelz intègrent un mode de vie à part entière, qu’ils et elles tiennent à faire découvrir aux jeunes générations. Cette vie en communauté, Zineb Kaïd-Gherbi l’a d’abord découverte au cours d’un séjour de deux semaines à la Poudrière en 2020, lequel l’avait suffisamment marquée pour que quelques années plus tard, elle soumette l’idée d’un séjour solidaire aux adolescent.es qui fréquentent Corner de Feyzin (69), dans lequel elle travaille désormais en tant qu’animatrice :
« Pendant les vacances de Février on s’était rendus à Mineca à Villeurbane, une entreprise de l’ESS qui fait du réemploi, dans laquelle on a fait une immersion d’une journée pour un petit chantier bénévole autour de la signalétique du lieu. Les jeunes avaient été satisfaits, et moi ça m’a rappelé mon expérience de 2020, lors d’un chantier de jeune organisé par Emmaüs Europe ici à la Poudrière. Alors j’ai repris contact avec Yves Dosimont, le responsable de la Poudrière de Péruwelz, j’en ai parlé aux collègues, et on s’est tous dit que ce projet pouvait conjuguer beaucoup d’axes sur lesquels on travaille avec les jeunes au Corner : solidarité, mobilité, citoyenneté et développement durable. »
« On part avec des assez jeunes, pour la plupart c’est la première fois qu’ils partent sans leur parent ou à l’étranger. Les enjeux de ce séjour, c’est la découverte de l’autre, de l’inconnu, et l’apprentissage de la vie en communauté. Puis comme c’est du travail volontaire, on veut les sensibiliser au bénévolat. On est en campagne aussi mine de rien alors qu’à Feyzin on est en territoire péri-urbain. […] Feyzin est une petite ville où la précarité est présente, surtout avec l’inflation la vie est compliquée pour de plus en plus de personnes, qui restent discrètes et pudiques. Il y a des accidents de la vie, des tragédies familiales etc. Rencontrer les gens qui vivent dans la communauté ne pourrait pas se faire autrement. Je pense que c’est important parce que ça peut arriver à tout le monde. » – Sara Poirson, alternante chargée des relations entreprise et mécénat au Corner de Feyzin, et animatrice du séjour.
Expérimenter le vivre-ensemble
Pour Riad, Dragan, Zora, Sarah, Lilou, Nesrine, Léane, et Noé, les 8 jeunes du Corner qui participent volontairement à ce séjour solidaire, c’est l’occasion de découvrir un mode de vie bien différent du leur. Les habitant.es de la Poudrière autant que les jeunes voyageur.ses partagent leur quotidien en collectif, du repas jusqu’aux travaux, en passant par la vaisselle ! « Vivre tout le temps avec du monde, ce n’est pas toujours facile » confesse Nesrine, 17 ans, « mais c’est quand même sympa. ». Sarah, 15 ans, est fille unique et se décrit comme « timide, réservée », elle explique que « ce voyage est le moment parfait pour apprendre à m’ouvrir. » Riad quant à lui ne « connaissait pas du tout ce système d’entraide. […] Je trouve ça intéressant et je n’avais même pas imaginé que ça puisse exister. Je voulais voir s’ils s’entendent bien, s’ils restent ensemble ou plutôt dans leur coin, en bref comment fonctionnait ce dispositif. Olivier, qui s’est occupé de nous, a tout de suite été très avenant, très gentil et ça donne envie de l’aider, ça nous motive. »
Des missions pour toutes et tous
Déterminé·es à rendre fier·ères leurs hôtes, les 8 adolescent·es ont mis du cœur à l’ouvrage et ont vécu au rythme de la communauté trois journées durant. Les matinées et débuts d’après-midi sont dédiés aux missions solidaires, et les jeunes, accompagnés par leurs animateur·rices Emmanuel, Zineb et Sara. Zineb explique que « l’idée est de soulager la communauté des petites missions qui leur prennent du temps ». Plusieurs missions sont proposées aux jeunes qui se répartissent en petits groupes : tri de jouets qui seront donnés à l’association locale La Maison du Cœur, rangement du « bric à brac » (l’espace de vente d’Emmaüs) et de ses étagères de vaisselles et fournitures scolaires, désherbage du potager, cueillette, mise à l’abri du bois coupé pour l’hiver… Les possibilités sont vastes et chaque jeune peut y trouver son compte. En une journée, une première mission est déjà remplie haut la main par 5 des ados et les deux animatrices : elles ont remis en ordre une rangée entière d’étagères de tasses. Dans le même temps, un petit groupe s’affaire à mettre à l’abri des fagots de bois pour l’hiver : le travail est fait en deux jours, ce qui impressionne les membres de la communauté. « Franchement, je suis époustouflé par tout ce qu’ils ont fait, toute cette énergie, je ne m’y attendais pas ! » s’enthousiasme Olivier.
Les activités collectives, dans leur diversité, se déroulent dans la musique et la bonne humeur générale, et les jeunes en redemandent ! Riad par exemple se propose pour aider à la réparation d’une partie de la cour pavée tandis que Nesrine va nourrir la trentaine de poule qui fournit la Poudrière en œufs frais et bio. Les habitant.es ambitionnent un mode de vie sobre, autosuffisant et respectueux de l’environnement. Pour les jeunes citadin.es de la banlieue lyonnaise, ce séjour à la Poudrière ressemble à une mise au vert.
Bien entendu, les temps libres de l’après-midi et de la soirée sont ponctués par des animations, courses de vélo et de rosalie, basket, pétanque et même initiation à l’équitation ! Les adolescent·es dépensent l’énergie qu’il leur reste lors d’un escape game organisé par Sara le dernier soir sur le thème de la solidarité et de l’interculturalité ! Les compagnons s’associent aux jeunes pour résoudre la dernière énigme, une manière pour toutes et tous de clore ce séjour d’immersion en beauté. La veille du départ, Olivier adresse un petit mot au groupe de volontaires : « Nous, ça nous fait toujours du bien d’avoir du sang jeune, d’avoir un œil extérieur sur ce que l’on fait, le regard de quelqu’un qui est de l’extérieur mais qui vit notre situation de l’intérieur, c’est du vécu, du ressenti. Je sens que les jeunes sont heureux et contents de nous aider, je sens l’enthousiasme, je vois leur travail ils y mettent de l’énergie. Ça fait plaisir ! Ça nous remplit le cœur à chaque fois, et on est toujours tristes de les voir partir. C’est bien d’être venus, merci mes petits ! »
Découvrir un autre pays
« Je ne suis jamais allée en Belgique, je voulais voir ce que c’était que d’aller dans un autre pays en Europe » témoigne Sarah. Pour elle comme pour ses camarades, ce séjour est une première visite chez nos voisins belges. Toutes et tous se montrent curieux·se et décidé·es à profiter de ces jours en dehors de la France pour découvrir une autre culture, et visiter deux villes dans lesquelles ils.elle ne s’étaient jamais rendus jusqu’alors. Les deux dernières journées du séjour ont été dédiées à la découverte de Bruxelles, à 40 minutes de train de Péruwelz, puis de Lille avant de revenir à Lyon. Impliqué·es dans l’organisation du séjour, les jeunes étaient notamment appelé·es à proposer des activités et visites à faire à Bruxelles et à Lille. Sarah a par exemple proposé le Musée de l’illusion : la joyeuse troupe s’y est rendue pour une après-midi, avant de déambuler dans la capitale belge, et d’acheter quelques souvenirs pour leurs proches et eux-mêmes ! Dégustation de gaufres typiques sans faire l’impasse sur les traditionnelles frites belges, les jeunes et leurs animateur·rices ont pu goûter à la gastronomie du plat pays.
Le lendemain, après une soirée et une veillée en auberge de jeunesse à Molenbeek, le groupe a repris le train vers Lille, pour découvrir son hyper centre, sa belle architecture et ses magasins, avant de rejoindre Feyzin dans la soirée. « Les jeunes étaient enchantés du séjour, on a pu faire tout ce que l’on voulait, c’était parfait. » conclut Emmanuel Berti, responsable du Corner et animateur du séjour. Pour revivre ce séjour solidaire, et se souvenir collectivement de ces jolis moments, les jeunes organiseront en septembre prochain une petite exposition photo ainsi qu’une soirée belge, pour présenter leur semaine à d’autres jeunes et à leurs proches. L’idée à terme est de sensibiliser davantage de jeunes à la solidarité, au bénévolat ainsi qu’à la mobilité européenne.
Cette expérience partenariale, inédite tant pour le Corner que pour la Poudrière, ouvre la voie à de nouveaux séjours de ce type et à davantage de beaux souvenirs d’été pour les jeunes comme pour la communauté de Péruwelz.
Le Corner de Feyzin est un tiers-lieu labellisé Alphaléo dédié aux 14-21 ans. En banlieue de Lyon, il accueille les jeunes dans toutes les dimensions de leur parcours de vie : réussite éducative et formation; orientation et insertion professionnelle ; engagement solidaire et citoyen.