Depuis 2021, la Fédération Léo Lagrange mène un programme d’éducation populaire dans un camp de déplacé.e.s yézidi.e.s au Kurdistan irakien. Pour cette minorité traumatisée par les exactions de l’État Islamique, ce programme offre un havre propice à l’épanouissement et à la résilience.
Les exactions et l’exil : le traumatisme de la minorité yézidie
Depuis la guerre de l’Etat Islamique entre 2014 et 2017, 80% des déplacé.es irakien.ne.s ont pu rentrer chez eux. Néanmoins, dans la région autonome du Kurdistan irakien, on estime qu’un habitant sur quatre est un.e réfugié.e. Confronté à une instabilité persistante dans leur région d’origine, la plupart des Yézidi.e.s sont contraint.e.s de vivre dans des camps de déplacé.e.s. Cette minorité religieuse kurdophone est originaire de la région du Sinjar en Irak. Accusés d’être des « adorateurs du diable » par l’État islamique, les Yézidis ont subi des exactions qualifiées de « génocide » par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Face à ce traumatisme, peu envisagent un retour au Sinjar.
Dans le camp de Sharya : renforcement de l’éducation populaire et de la résilience
C’est dans ce contexte post-conflit que la Fédération Léo Lagrange mène un programme de renforcement de l’éducation populaire. Ce dernier est financé par l’Agence française de Développement (AFD), et mis en œuvre par l’ONG irakienne Public Aid Organization (PAO). La Fédération Léo Lagrange intervient à travers la diffusion d’outils d’éducation populaire et l’organisation de formations pour le personnel de terrain lors de déplacements pluriannuels au Kurdistan.
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Le programme intègre un volet « soutien de la résilience » au sein du camp de Sharya, à Duhok. Ce camp accueille plus de 12 000 déplacé.e.s yézidi.e.s depuis 2014. En état de choc post-traumatique, certain.e.s souffrent de dépression et d’anxiété. Les équipes de terrain ont constaté que les activités d’éducation populaire favorisent la résilience des déplacé.e.s, c’est-à-dire leur santé mentale et leur capacité à se projeter.
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L’équipe résilience est composée d’une psychologue, de travailleurs·euses sociaux, et d’animateurs·rices. Elle propose à des groupes d’enfants, d’adolescent.e.s et de femmes un accompagnement bi-hebdomadaire de 6 mois. Organisées en dehors du temps scolaire, les activités ludiques, artistiques, et sportives nourrissent l’imagination des enfants. Elles encouragent également l’expression, la confiance en soi et la socialisation. Pour les femmes, ces activités constituent une opportunité leur permettant de se recentrer sur elles, en dehors de la sphère familiale.
Célébrer la vie et la culture yézidie
Tout en sensibilisant aux enjeux sociétaux et aux droits fondamentaux, ces activités soutiennent la transmission de la culture yézidie.
En avril 2023, pour le nouvel an yézidi, femmes et enfants ont participé à une activité de peinture sur œufs. Le « mercredi rouge » est une fête importante chez les Yézidis. À l’arrivée du printemps, cette fête célèbre l’abondance et la vie. Les participant.e.s étaient particulièrement fier.ères d’exprimer leur créativité individuelle tout en valorisant leurs traditions.
Le mois de juin 2023 a été l’occasion de fêter la journée internationale des droits de l’enfant. À travers des activités musicales, artisanales, et sportives, les enfants ont pu échanger sur leurs droits et l’importance de la solidarité. Dans une ambiance célébrant la joie de vivre, les enfants ont clôturé la journée par un lancé de « ballons d’amour et de paix » contenant leurs vœux.
L’engagement d’Abeer et de Najwa
Très appréciées dans le camp, les activités rencontrent un important succès. D’ailleurs, à l’issue des 6 mois d’accompagnement, une grande partie des adolescent.e.s et femmes bénéficiaires envisage de s’engager comme volontaires dans le camp. Ils ont alors la possibilité de coconstruire des activités avec l’équipe à destination des nouveaux bénéficiaires.
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Par exemple, durant l’été 2023, une ancienne bénéficiaire nommée Abeer a pris l’initiative d’organiser une séance de sensibilisation sur l’allaitement. Ces séances sont importantes car de nombreuses femmes donnent naissance dans le camp. Les femmes ont alors l’occasion d’échanger entre elles et de partager leur expérience dans un espace de parole bienveillant. Ces séances les informent sur la santé et le bien-être de la mère et du bébé, ainsi que sur les éventuelles difficultés rencontrées.
Actuellement en Terminale, Abeer a 20 ans et vit dans le camp de Sharya depuis ses 11 ans. Originaire du Sinjar, elle a fui sa région avec sa famille après l’arrivée de l’Etat islamique.
Dès le début du programme, Abeer s’est démarquée par son investissement dans l’ensemble des activités. Elle tenait à développer ses compétences. À la fin de l’accompagnement de 6 mois, elle a manifesté son intérêt de devenir bénévole pour le programme, et a partagé ses nombreuses idées. L’année prochaine, elle aimerait suivre la formation d’animateur.rice en éducation populaire.
Najwa témoignage également de l’engouement pour le programme. Agée de 23 ans, elle s’est mariée dans le camp. Elle est également arrivée en 2014 avec sa famille. Après une visite du centre en janvier 2023, elle a tout de suite souhaité participer aux activités avec les autres femmes. Durant sa grossesse, elle a fréquenté assidûment le centre. Quelques jours après son accouchement, elle a tenu à revenir aux séances, accompagnée de son nouveau-né. Cet engouement témoigne du caractère primordial des activités dans la vie quotidienne des femmes participant au programme. Véritable lieu de socialisation et d’apprentissage, le centre contribue également à l’autonomisation des femmes et renforce leur confiance en elles.
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Les parcours comme celui d’Abeer ou de Najwa valorisent pleinement le travail de l’équipe résilience dans le camp. En effet, au quotidien, l’investissement de l’équipe ouvre des perspectives. Contribuant au rayonnement de l’éducation populaire au Kurdistan irakien, le programme développe également des vocations d’animateurs.rices. Il donne ainsi l’occasion aux déplacé.e.s yézidi.e.s de s’engager pour leur communauté.
L’éducation populaire, outil d’émancipation et d’engagement au Kurdistan Irakien
Objet du programme : Diffusion de l’éducation populaire à travers le partage d’outils et l’organisation de formations
Agenda :
– Début du programme : 2016
– Dernière phase : septembre 2022 – août 2025
Partenaires :
Financement : Agence Française du Développement (60%), Fondation Mérieux
