Les équipes Léo Lagrange sont impliquées dans toutes les régions, via différentes actions, pour sensibiliser, prévenir et lutter contre le harcèlement scolaire sous toutes ses formes. En Maine-et-Loire, les salarié·es et volontaires en service civique du pôle engagement Léo Lagrange Ouest (LLO) animent 3 heures d’intervention dans les classes de collège, à partir d’un escape game sur le cyberharcèlement. Retour d’expériences et en images !
Initié par le collège Renoir à Angers (49) et le Conseil départemental du Maine-et-Loire, cet escape game utilise les codes et outils des adolescent·es pour leur parler de harcèlement.
Les 3 heures d’intervention démarrent par 1h d’escape game puis enchaînent après la pause par 1h45 de débats et jeux collectifs.
Jeudi 14 décembre, Solène Porcheron, chargée d’intervention au pôle engagement LLO, accompagnée de Matis, volontaire en service civique, ont rendez-vous avec une classe de 5ème du collège Jean Zay à Montreuil-Juigné (49) et leur professeure principale. « Les élèves ont été prévenus il y a 3 semaines et ont été très réceptifs » annonce l’enseignante en accueillant le binôme Léo Lagrange.
Démarrage de l’escape game : le message sur un répondeur d’une adolescente harcelée
Les élèves s’installent et Solène commence par poser le cadre de la séance et ses règles. Elle insiste sur la communication : « vous devrez beaucoup communiquer entre vous pour résoudre les énigmes. » La classe est séparée en 2 groupes distincts qui vivront l’escape game simultanément dans 2 salles différentes.
Tou·tes se réunissent autour de la professionnelle qui leur fait écouter un message répondeur sur la tablette, l’un des accessoires de l’escape game. Une adolescente dit qu’elle n’en peut plus, qu’elle souffre trop et va partir. Son train arrive dans 45 minutes. Solène interroge le groupe : « Qu’est ce que vous devez faire ? Qu’est ce que vous devez trouver ? » « Son téléphone ! » répondent des ados. Le jeu est lancé !
Pendant 45 minutes, les collègien·nes vont s’affairer sans répit dans leur salle pour résoudre toutes les énigmes les unes après les autres, afin de trouver le numéro de téléphone de la jeune fille harcelée.
Un coffre-fort, un casier, un cartable sont posés ici et là mais ils sont cadenassés ! Les élèves recherchent alors le moindre indice, sous les bureaux, sous les chaises, derrière des tableaux.
Une vidéo qui illustre une situation de harcèlement
Des pièces de puzzle et des lettres de scrabble sont trouvées, des petits groupes commencent à s’organiser autour des premières énigmes. Plusieurs élèves récupèrent un mot de passe et le rentrent dans la tablette, ils ont accès à un tchatt et téléchargent à la fin une vidéo : une élève est filmée en train d’écrire « arrête de faire la meuf, tu fais pitié ». Elle roule en boule le message et le jette sur sa camarade de devant. « Ah, c’est elle qui est partie à la gare ! » s’exclame l’un des ados.
Le groupe comprend qu’il commence à collecter également des illustrations du harcèlement subi par la jeune fille.
Quelques minutes plus tard 2 élèves parviennent à ouvrir le casier grâce à des codes récupérés dans une énigme. Ils y trouvent des messages « arrête de faire ta sensible » et un sac à dos. Mais celui-ci est en partie fermé avec un cadenas ! Ils découvrent progressivement, dans le sac à dos, des devoirs corrigés, l’agenda, puis le carnet de correspondance et constatent que les notes de la collégienne harcelée dégringolent au fil des semaines.
D’une énigme à l’autre, la récolte d’indices montre progressivement ce qu’a subi la victime
Dans l’agenda, les élèves trouvent un code invisible à l’œil nu, qu’ils obtiennent grâce à une lumière bleue. Ce code leur permet de consulter un compte Instagram créé par des ados sur la jeune fille : il·elles découvrent le harcèlement en ligne qu’elle subit, par tous ceux et toutes celles qui postent et commentent des photos sur elle. Le harcèlement en classe a basculé en cyberharcèlement.
L’obtention d’un nouveau code leur permet d’ouvrir le dernier coffre et de compléter un puzzle avec les pièces manquantes. Le numéro de téléphone enfin composé, les collégien·nes entendent à nouveau la voix du début : elle leur dit qu’ils ont donc enfin compris ce qu’elle subissait, elle veut bien revenir au collège pour discuter avec eux.
Lors du rapide débrief avant la pause Solène leur demande de garder le secret de l’escape game ! Toutes les classes de 5ème vont bénéficier de cette intervention sur le cyberharcèlement !
Après la récréation, toute la classe est à nouveau réunie. « Félicitations, vous êtes allés jusqu’au bout, vous n’avez pas crié sur vos camarades, vous avez su parler ensemble » annonce la professionnelle pour démarrer la 2ème partie de la matinée. Elle demande ensuite aux collégien·nes de restituer l’histoire de l’escape game pour s’assurer que tou·tes ont bien compris les messages-clés du jeu et les différents exemples de harcèlement.
Harcèlomètre et carte mentale pour définir le harcèlement
S’enchaînent ensuite différentes animations et le harcèlomètre ouvre la séquence. Les élèves ont en main 4 cartes de couleur : vert, jaune, orange et rouge pour exprimer leur avis sur des situations du quotidien.
« Vous vous faites exclure de toutes les sorties et vous êtes rejetés par vos camarades » annonce Solène. Tous et toutes ne partagent pas le même avis ! Un élève vote vert, il n’est pas choqué par la situation. 9 votent jaune, 14 votent orange et 2 pour le rouge. Après chaque vote, le débat portera sur les différences d’appréciation. La chargée d’intervention interpelle le groupe : « pourquoi il y a des avis si différents entre vous ? Cela prouve qu’on ne réagit pas tous de la même manière. Vous avez vos propres histoires, des émotions différentes, donc vous pouvez imaginer que vous ne ressentez pas tous la même chose face à ces situations. »
L’un des enjeux de cette matinée : développer l’empathie, accompagner les ados à se mettre à la place des autres et à être attentifs au ressenti de leur camarade.
Lors de l’animation suivante, les élèves sont répartis en groupes de 4-5 et doivent dessiner une carte mentale pour définir le harcèlement. Lors de la restitution, Solène reprend tous les éléments importants identifiés dans les cartes mentales pour établir une définition précise du terme. Les notions de violence, de répétition, d’effets de groupe, d’isolement et de discrimination sont répétées et explicitées si besoin.
Le cyberharcèlement est ensuite détaillé et Solène attire l’attention de la responsabilité de chacun·e dans son usage des réseaux sociaux. Un commentaire ou un « like » sur une publication dégradante qui entre dans une logique de harcèlement les rend complices de la situation. Piratage, usurpation d’identité, propagation de rumeurs, moqueries, chantage, création d’un groupe ou d’une page sur une personne tiers à son insu, publication de photos à caractère intime… les formes prises par le cyberharcèlement sont nombreuses.
J’interviens ou je n’interviens pas ? Se positionner et débattre
Pour l’avant-dernière séquence, les élèves doivent se lever et se positionner à l’un des 4 coins de la salle où sont placées les affiches :
- J’interviens immédiatement
- J’interviens après
- Je n’interviens pas, cela ne me concerne pas
- Je n’interviens pas j’ai peur.
Solène décrit une situation, les élèves se positionnent et débattent sur leur choix. « Votre rôle c’est d’être en soutien de la victime, pas forcément le sauveur. Montrer à la personne qu’elle n’est pas seule, que vous avez compris ce qu’elle vivait. »
En sensibilisant les ados sur l’identification des situations de harcèlement, l’enjeu est également de les amener à ne pas rester impassibles et indifférents en se tenant aux côtés de la victime et en prévenant un adulte. « Aider quelqu’un qui ne va pas bien a un réel impact ! » insiste Solène.
Après avoir passé en revue les 10 conseils contre le harcèlement et rappelé les conséquences pénales et financières des condamnations pour harcèlement, Solène rappelle les numéros de téléphone utiles contre ces situations de violence et transmet un questionnaire à compléter à chacun·e.
Interpeller, sensibiliser, développer l’empathie et lutter contre l’indifférence
Interpeller les jeunes avec des outils et des codes qui sont les leurs permet de retenir leur attention pour ensuite susciter leur intérêt et leur implication dans l’animation. L’engouement du groupe pendant l’escape game puis pendant les animations était sans équivoque.
Les amener à réfléchir sur le vécu et les émotions des autres permet de les accompagner dans le développement de leur empathie et les rendra davantage vigilants et attentifs avec les personnes qui les entourent ou qu’il·elles croiseront dans leur parcours de vie.
La lutte contre le harcèlement doit passer par le jeu, le débat, les mises en situation, pour faire toucher du doigt les conséquences tragiques de ces situations. Notre rôle : accompagner les adolescent·es à pouvoir un jour, éventuellement, faire face.
Le saviez-vous ? C’est le conseiller principal d’éducation du collège Renoir, partenaire de la Newton Room, qui est à l’origine de l’escape game et qui a proposé le réseau Léo Lagrange au Conseil départemental pour les interventions en collège. Retrouvez la genèse de ce projet dans l’article Le collège Renoir à Angers, le conseil départemental 49 et Léo Lagrange Ouest entrent dans le jeu pour sortir du cyberharcèlement avec un escape game
Pour garder le contact :
Solène Porcheron
Chargée d’intervention – pôle engagement Léo Lagrange Ouest
solene.porcheron@leolagrange.org