L’activité de la petite enfance à Léo Lagrange a quasiment été mise à l’arrêt lorsque le confinement a été annoncé. Quels ont été vos principales préoccupations pour faire face à cette situation ?
Dans un délai particulièrement court, entre le jeudi 13 mars à 20h et le lundi 16 mars, nous avons dû veiller à la fermeture de l’ensemble de la centaine d’établissements d’accueil du jeune enfant de notre réseau, dans le respect des directives gouvernementales. Ce coup d’arrêt a été brutal pour nous tou.te.s, il a fallu l’accompagner d’une communication particulièrement réactive auprès des équipes et des parents, tout en prenant en compte les particularités (nos collègues assistantes maternelles ou micro-crèches ont poursuivi leur activité). Les équipes ont été particulièrement exemplaires en cela.
Passée cette urgence, dans le cadre des cellules de crise nationale et régionales mises en place, il a fallu réfléchir d’une part à la conservation du lien social avec les familles dans cette période particulièrement compliquée et d’autre part à la préservation économique de notre activité en fonction des informations qui nous parvenaient bien souvent au compte-goutte.
Est-ce qu’un lien a pu être maintenu avec les familles durant cette période ? Pourquoi cela était-il important ?
Les structures petite enfance ne peuvent en aucun cas être réduites à un mode de garde d’enfant. Elles jouent un rôle déterminant sur les territoires sur un plan éducatif (lutte contre les inégalités dès le plus jeune âge) mais également sur le plan social (appui aux parents). Ainsi, une majorité de nos structures se sont mobilisées pour conserver ce lien social avec les parents, par tous les moyens qui étaient à leur disposition : l’application Léo Lagrange – Kidizz (qui a été un vrai soutien pour maintenir un lien privilégié), les mails, les réseaux sociaux et parfois le téléphone, en particulier pour les familles les plus vulnérables… Les professionnel.le.s nouent au quotidien des relations de confiance avec les familles, beaucoup se sont investi.e.s pour les maintenir dans ces temps difficiles, que ce soit sur un mode ludique (partage d’activités, de ressources, d’outils pédagogiques…) ou de soutien.
Des services d’accueil minimum ont été mis en place dans un certain nombre de communes avec l’appui de la Fédération Léo Lagrange. Que retirer de cette expérience ?
A l’échelle nationale, une dizaine de sites ont en effet été sollicités dans le cadre de la mise en place d’accueils minimum pour les enfants de soignants. Il n’existait, à ce moment-là, pas de protocole aussi clair que celui d’aujourd’hui. Cela a été un véritable défi de faire face à cette situation totalement inédite. Les salarié.e.s volontaires ont fait preuve d’un professionnalisme et d’une créativité remarquables pour adapter au mieux le fonctionnement des accueils aux contraintes sanitaires. Même si dans ce cadre, nous n’avons accueilli que peu d’enfants, ces premières expériences ont été particulièrement riches d’enseignements. Elles ont aussi permis d’identifier parfois les difficultés qui pouvaient apparaître entre les consignes sanitaires strictes et la réponse aux besoins affectifs essentiels de l’enfant. Les professionnel.le.s ont su créer des solutions adaptées à leur environnement et ont ainsi contribué indirectement à la réalisation la charte sanitaire Léo Lagrange.
L’activité des assistantes maternelles a quant à elle perduré pendant le confinement. Qu’en a-t-il été des RAM ? Avez-vous eu des retours d’expérience ?
Les réponses ont été adaptées au cas par cas en fonction de la réalité des besoins du territoire. Sur le territoire des Bouches-du-Rhône par exemple, les professionnel.le.s du RAM de Vitrolles ont, même si les regroupements ne pouvaient plus avoir lieu, gardé le lien entre les parents et toutes les assistantes maternelles. Cette action s’est avérée très utile, là encore en termes de médiation sociale, dans une situation complexe susceptible de générer des tensions.
Que signifie le déconfinement pour la petite enfance à Léo Lagrange ? Tous nos EAJE ont-ils été réouverts et les salarié.e.s remis en activité ?
La reprise est et sera, comme pour les écoles et tout type d’accueil collectif, très progressive. C’est ce qui fait la complexité de la situation. Tous nos EAJE se sont préparés et tenus prêts pour une réouverture qui reste modeste, incomplète. Les réouvertures se sont faites en concertation avec les collectivités et de manière adaptée aux territoires, bien évidemment dans le respect des protocoles sanitaires émis par le Ministère.
La fréquentation mettra sans doute beaucoup de temps à retrouver son niveau d’avant-crise et nous espérons que l’accompagnement des pouvoirs publics perdurera pour préserver notre activité.
La constitution des équipes s’adapte donc à ces contraintes : à la fois à une capacité d’accueil réduite mais aussi à la situation des professionnel.le.s elles-mêmes susceptibles d’être confrontées à des contraintes familiales (garde d’enfant par exemple) ou autres.
Comment les conditions de sécurité des enfants et des professionel.le.s sont-elles assurées
Au niveau national, une charte sanitaire a été réalisée à la lumière des expériences déjà menées et des différentes préconisations sanitaires existant par ailleurs.
Les équipes ont, au cas par cas, travaillé à l’adaptation de leur fonctionnement pour assurer la sécurité aussi bien des familles que des professionnel.le.s. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit d’accueillir enfants et parents dans des conditions sanitaires très strictes et contraignantes tout en permettant d’assurer les conditions d’épanouissement, de sécurité affective des enfants et préserver le bien-être des équipes. Les directeur.rice.s et responsables de structures jouent à ce titre un rôle clé pour rassurer et adapter l’organisation dans la concertation. Je tiens à saluer leur travail pour lequel ils.elles se sont beaucoup investi.e.s. Pour chaque reprise, les équipes se sont généralement réunies pour appréhender les nouvelles organisations de fonctionnement de l’équipement et recréer du lien entre professionnel.le.s après plusieurs semaines d’arrêt. Les conditions de fonctionnement sont largement modifiées, notamment au niveau des circulations (pas de croisement des enfants), l’accueil des familles échelonné…. Une formation au protocole sanitaire est également réalisée sur chaque structure pour les salarié.e.s reprenant le travail.
Les masques sont désormais obligatoires pour les professionnel.le.s. Sont-ils bien mis à disposition partout ?
Tou.te.s les salarié.e.s sont doté.e.s de masques, gels hydroalcooliques, visières, nettoyants virucides… Ce matériel est mis à disposition par notre association en tant qu’employeur. En effet, outre l’obligation d’appliquer les mesures sanitaires gouvernementales, le retour au travail doit se faire avec un sentiment de sécurité.
Quelles sont et seront les priorités pour demain pour le secteur de la petite enfance ?
Parmi les enjeux qui nous attendent, au-delà de l’adaptation de nos fonctionnements à ces nouvelles contraintes sanitaires, il y a celui de redonner confiance aux familles. La situation que nous venons de vivre a été très anxiogène et le climat reste angoissant. Il est pourtant important de rassurer les familles : toutes les mesures sont prises pour assurer la sécurité de leurs enfants et nos professionnel.le.s sont très impatient.e.s de les retrouver ! De nombreux pédiatres insistent sur l’urgence de « maîtriser nos peurs et aller de l’avant pour le bien des enfants ». La fréquentation d’un environnement socio-éducatif est par ailleurs reconnue favorable au développement et à la santé.
Qu’auriez-vous envie de dire aux salarié.e.s du secteur aujourd’hui ?
Un grand Merci ! Beaucoup démontrent s’il en était besoin leur engagement dans leur mission et manifestent aujourd’hui leur impatience de reprendre le travail pour retrouver les enfants, leurs familles et les collègues.
Nous vivons une période particulière qui nous questionne et change nos habitudes. L’accueil du jeune enfant est une activité essentielle à la société. Espérons que cette période puisse contribuer à mettre en lumière ces métiers qui malheureusement n’occupent pas toujours le devant de la scène. L’enjeu est pour nous de rendre plus visible le secteur de la petite enfance et particulièrement quand il s’inscrit comme c’est le cas chez nous, dans un projet éducatif associatif fidèle à l’économie sociale et solidaire. C’est ce à quoi va contribuer l’évolution organisationnelle en cours qui a pour but d’identifier plus clairement les filières métiers au sein de la Fédération Léo Lagrange.