Mardi 12 mai 2020
Le télétravail s’est imposé à nous durant cette période inédite face à la crise sanitaire que nous traversons liée au SARS-CoV-2. Nous n’avons pas eu d’autre choix que celui-ci pour garder du lien avec les participants que nous accompagnons dans le cadre de nos conventions RSA IED et IER.
Les entretiens téléphoniques ont remplacé les entretiens physiques et les visio-conférences, les réunions avec la Direction, les collègues de travail et les partenaires.
Cela a impliqué pour tous une phase d’adaptation et pour certains une remise à plat du cœur même du travail.
Rapidement je me suis adaptée à ce nouveau mode de pratique face à la situation. Dans un premier temps, les personnes que j’accompagne ont vraiment apprécié ce lien à distance. Il a permis de prendre des nouvelles au début du confinement, de les soutenir afin de lutter contre la solitude ou l’angoisse. Dans un deuxième temps, la recherche d’emploi a repris le dessus pour certains et les appels téléphoniques ont permis d’orienter les personnes vers différentes plateformes emploi ou des partenaires comme la MMIE qui proposait de s’entraîner à l’entretien de recrutement avec des RDV de simulations d’entretiens. J’ai également aidé plusieurs personnes à s’actualiser sur le site de Pôle emploi, à remplir des documents administratifs sur le site de la CAF, ainsi qu’à travailler sur la mise en page et la mise à jour du CV, l’élaboration de la lettre de motivation ou l’inscription à des sites d’offres d’emploi en ligne.
Être proche de la personne et l’aider pour que son projet aboutisse, établir une relation de confiance sont autant de représentations que je me fais de la fonction d’accompagnement. J’ai retrouvé ces représentations dans l’accompagnement à distance sans pouvoir dire pour cela que le télétravail avait été un avantage. Peut-être certaines discussions ont été différentes car la situation que nous vivions était particulière elle-aussi à ce moment précis.
Le cadre posé par l’institution ayant disparu, il a été difficile en télétravail d’instaurer des plages de RDV comme en présentiel.
La personne répond ou pas au téléphone de manière aléatoire. En temps ordinaire la contractualisation intervient comme opération institutionnalisante de la relation et le contrat crée un trait d’union entre l’institutionnel et l’interpersonnel. Il se constitue comme élément de médiation.
Pour poursuivre donc ce télétravail et si les conditions matérielles le permettent des entretiens en visio-conférence devront alors remplacer les RDV physiques dans un cadre institutionnel qui engage dans un parcours d’insertion sociale et/ou professionnelle. Il devra dire également que le bénéficiaire à l’obligation de répondre aux convocations de son référent RSA (conseiller professionnel ou travailleur social) et de participer à distance aux rendez-vous fixés avec lui.
Sans ce nouveau dispositif, il faudra certainement s’attendre à plus d’abandons de parcours et/ou de perdus de vus.
Pour ma part, je n’ai pour le moment pas vu d’avantages au télétravail sauf en période de confinement bien sûr. En temps ordinaire, mes conditions de travail me permettent de recevoir les personnes en présentiel et pour cela j’utilise un bureau sur mon site. Quand j’ai besoin de temps pour la partie administrative de mon poste ou mission je n’ai pas de difficulté pour le prendre et pour l’effectuer au travail. L’avantage semblerait plutôt être de ne pas devoir me déplacer sur une demi-journée ou une journée si besoin. Mais cela n’est pas un inconvénient pour moi de me déplacer.
Le seul avantage que j’ai pu identifier durant cette période a été la possibilité d’expérimenter la visio-conférence. En télétravail à la maison mais aussi en restant au bureau par exemple, participer à des réunions avec ma Direction, mes collègues et partenaires ainsi que réaliser des bilans tripartites permet en visio-conférence de ne pas fractionner la journée en perdant beaucoup de temps dans les transports pour m’y rendre. Pouvoir organiser mieux la journée et le temps de travail sans perdre de temps inutilement.
Toutefois il est indispensable que ces réunions à distance ne deviennent pas une norme car nous avons aussi besoin en tant que professionnels de rester en lien les uns avec les autres pour que le naturel ne se perde pas. Certains espaces interstitiels sont également nécessaires pour travailler certaines questions entre nous. Sans la rencontre, sans nous voir ils disparaitront et le travail aussi.
L’avantage du télétravail pour le participant tel qu’il est pratiqué pendant la période de confinement et dé-confinement progressif a été de pouvoir garder un lien avec le référent, pouvoir le solliciter si besoin par téléphone ou par mail. Il a été aussi de pouvoir informer de toutes les mesures mises en place par la Métropole concernant l’emploi et les aides exceptionnelles. Mais est-ce un avantage car ces pratiques se font déjà en dehors de cette période ?
Le confinement a aussi permis de mettre en exergue la fracture numérique existante. Certains foyers n’ayant qu’un smartphone se sont vus devoir l’utiliser pour les cours à distance des enfants et parfois cela a été difficile de les joindre. Il a fallu s’adapter et trouver des créneaux horaires.
Dans l’ensemble cette période m’a permis de me rendre compte que travailler à distance est beaucoup plus facile avec des personnes étant proche de l’emploi et aussi très motivée. Il y a eu pendant le confinement des candidatures et des entretiens en attente de recrutement qui montrent que pour certains cela pose moins de difficultés. Ce seront ces participants que nous allons naturellement privilégier dans un premier temps en télétravail.
Il me semble que dans les conditions actuelles nous n’étions pas prêt encore pour accompagner à distance les personnes qui en sont au démarrage d’un parcours de recherche d’emploi ou très éloignés de l’emploi.
Des moyens seront à mettre en place pour proposer des RDV en visio-conférences avec ces publics plus éloignés pour privilégier la discussion et l’écoute. Des moyens pédagogiques numériques axés sur le projet professionnel et l’emploi seront à mettre également en place pour travailler ensemble à distance tout en ayant la possibilité de pouvoir les orienter également auprès des partenaires sur des actions de mobilisation en présentiel ou à distance. C’est aussi à nous professionnels à réfléchir à cela.
Pôle-emploi avec l’Emploi-Store et d’autres partenaires en ont développé déjà un certain nombre dont nous pouvons nous servir. A nous d’en inventer d’autres.
Cependant, il me semble que l’enjeu est moins de l’ordre de l’accès à la machine que de la pratique sociale. La capacité à transmettre aux autres ainsi qu’à recevoir des informations, à co-construire ensemble des projets dans notre société désormais structurée par les technologies de l’information et de la communication est davantage nécessaire que la possession ou la maîtrise des outils.
Aussi, je constate que l’inclusion numérique est variable suivant les lieux, les situations, les interlocuteurs. Tout comme la situation inédite vécue actuellement il y a derrière cette simple injonction à la connexion généralisée une réelle complexité qui sera un des enjeux à prendre en compte dans nos pratiques d’accompagnement en temps de crise.
Palmyre Bouzat
Chargée de Mission Insertion – Référente de parcours Itinéraire Emploi Renforcé – CLI 10 et 11 – Référent opérationnel Secteur 1 Lyon 3/Lyon 8/Lyon 9/La Mulatière