Sophie Khatib est responsable des programmes internationaux à la direction Europe & international de la Fédération Léo Lagrange. Elle pilote de nombreux projets, en Afrique et au Kurdistan irakien. L’éducation à la solidarité internationale est au cœur de son engagement !
Tu es actuellement responsable des projets internationaux à la Fédération Léo Lagrange, quel est ton parcours professionnel avant Léo et à Léo ?
Avant Léo, je travaillais dans l’éducation spécialisée, plus particulièrement dans la protection de l’enfance. J’étais au sein d’une équipe mandatée par le juge des enfants, nous étions chargés de réaliser les MJIEs, autrement dit les Mesures judiciaires d’investigation éducative.
A Léo, j’ai un parcours assez atypique, puisque j’ai expérimenté tous les statuts : bénéficiaire (formation BAFA), volontaire (formatrice BAFA), auto-entrepreneuse (interventions formation BPJEPS, DEJEPS…), bénévole (membre du conseil d’administration de Léo Lagrange Centre-Est), et pour finir, salariée au sein du service international depuis presque 4 ans.
Bien qu’ayant travaillé longuement dans l’éducation spécialisée, particulièrement dans la protection de l’enfance, je suis ce qu’on appelle un « pure produit de l’éduc pop » !
Peux-tu stp nous parler de tes missions en tant que responsable des projets internationaux ?
On peut résumer les deux missions principales du service international grâce à ce petit schéma :
→ Instiller du monde dans nos sites Léo en France
Pour que nos publics puissent comprendre comment fonctionne le monde, qu’ils ouvrent leurs esprits aux enjeux qui traversent l’humanité, et pourquoi pas, qu’ils s’en emparent pour agir au niveau local, national ou même international, il faut des professionnels formés et des outils pédagogiques. Le rôle du service international est :
- D’accompagner les structures Léo à l’élaboration de projets interculturels, de solidarité internationale ou de mobilité.
- De former les professionnels qui le souhaitent sur ces trois thématiques.
- D’être ressource en matière d’outils pédagogiques abordant ces trois thématiques.
→ Essaimer de l’éducation populaire dans le monde :
L’éducation populaire est un formidable outil qui permet aux populations de mieux comprendre le monde et d’en devenir acteur. Il donne une voix, un pouvoir aux sociétés civiles, il aide à pacifier les relations, à lutter contre toutes les formes de violences. L’éducation populaire est universelle, avec ses valeurs qui rapprochent les humains, elle transcende les frontières en s’adaptant à chaque fois aux besoins et aux envies locales.
C’est pour cela qu’une de nos missions est de la faire voyager.
- Sur le continent africain, il y a dix Fédérations Léo Lagrange. Elles ont pour finalité de développer l’éducation populaire sur leur territoire. Elles le font de manières différentes, en fonction de leurs réalités locales : certaines sont plus centrées sur le besoin de prendre soin de notre planète, d’autres sur la promotion de la paix pour lutter contre des conflits inter-ethniques etc. Le service international a pour objectif d’accompagner les Fédérations africaines, que ce soit par l’intermédiaire de la formation ou de l’animation du réseau
- Au Proche-Orient, en collaboration avec la Fondation Danielle Mitterrand, PAO (Public aid organization) et CDO (Civil development organization), deux ONGs locales, nous développons l’éducation populaire au sein de la région autonome du Kurdistan d’Irak. Nous formons des professionnels et des volontaires à l’animation et à la direction et les accompagnons dans la réalisation de leur projet. Par ailleurs, étant donné les nombreux traumatismes vécus par les populations sur place (exactions de Daesh, migration…) nous avons aussi élaborer un programme, en partenariat avec DSF (Douleur sans frontière) afin d’accompagner le processus de résilience des populations fragilisées. Il s’appuiera sur la combinaison de deux approches : celle de l’éducation populaire et celle du soin thérapeutique.
Une table-ronde dédiée au Kurdistan a eu lieu le 16 mars dernier, peux-tu nous en dire quelques mots ? Ses objectifs, son déroulé ?
Cette table-ronde en ligne visait à promouvoir la solidarité internationale auprès des professionnels Léo et leur donner des outils pour fédérer leur équipe autour de ces questions (travail en atelier). Nous avons également réfléchi à la manière dont l’éducation populaire vient renforcer l’émancipation des jeunes au Kurdistan irakien avec Rewan Hussein, directeur de bureau de la représentation du Gouvernement régional du Kurdistan en France, Jérémie Chomette, directeur de la Fondation Danielle Mitterrand et Vincent Séguéla, qu’on ne présente plus.
Vous pouvez revoir les éléments forts de cette table-ronde en cliquant ci-dessous :
Quels sont les autres projets sur lesquels tu es actuellement mobilisée ?
Nous travaillons activement sur un programme de développement de l’éducation populaire au Bénin, réalisé, tout comme le Kurdistan d’Irak, avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD).
Il s’agira de construire un centre de formation à Cotonou, et d’ouvrir dix centres socio-culturels dans de grandes villes béninoises.
Nous sommes aussi préoccupés par ce qui se passe dans la région du Sahel, où se trouvent plusieurs Fédérations africaines. Nous réfléchissons à la possibilité de venir soutenir cette région en élaborant un projet multi-pays.
La Fédération Léo Lagrange a été sélectionnée par le FONJEP et fait partie des associations qui ont obtenu un poste Education à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI), comment cela se traduit-il concrètement ?
Aujourd’hui, c’est difficile de ne penser que « local ». Nos actions d’ici ont des répercussions très loin dans le monde. Si l’on prend l’exemple de l’achat d’un téléphone portable en France, cela a des répercussions jusqu’en République Démocratique du Congo, d’où provient la matière première, le coltan (colombite-tantalite), tellement prisée qu’elle est une source d’exactions meurtrières. Les répercussions sont également en Chine, où il va être fabriqué, mais aussi en Allemagne, où il peut être assemblé. Un objet tel que le téléphone portable traverse donc une multitude de pays, questionne sur son impact écologique (empreinte carbone), pour être acheminé jusqu’en France où, là aussi, il y aura un impact car l’achat va générer de la richesse économique.
L’ECSI, ou l’Education à la citoyenneté et à la solidarité internationale, est un outil pour permettre à la population de s’ouvrir sur le monde, de prendre conscience des enjeux qui traversent notre planète que cela soit sur le plan social, environnemental ou historique. L’ECSI, c’est mieux comprendre le monde et tous ses mécanismes pour pouvoir agir, s’engager, à l’échelle locale mais aussi internationale.
Concrètement, cela veut dire que la Fédération Léo Lagrange va travailler à former des professionnels et créer des outils pédagogiques afin que l’ECSI puisse être aborder avec nos différents publics : projets interculturels, préparation à la mobilité, échanges entre jeunes d’ici et d’ailleurs,etc.
Pour plus de renseignement : https://www.nous-demain.fr/envie-de-solidarite-internationale-dans-tes-projets-viens-decouvrir-lecsi/
En quoi la solidarité internationale est au cœur de l’éducation populaire et du projet associatif de la FLL ?
« Au cœur », c’est effectivement l’expression la plus adaptée. Dans notre manifeste, la fraternité, la solidarité, l’humanisme, le respect de la planète font partie des valeurs centrales qui animent nos actions. Elles impliquent qu’on apprenne à se découvrir, à se rencontrer, à ouvrir nos esprits à la différence et aux enjeux qui traversent la planète. Penser le monde pour agir en défendant le respect du vivant, c’est de cela dont il est question lorsque nous parlons de solidarité internationale.
Qu’est ce qui te motive le plus dans tes missions ?
L’éducation populaire vise à rapprocher les êtres humains dans ce qu’ils ont de semblable, à valoriser ce qu’ils ont de différent, à dépasser ce qui les divise. Travailler la question de l’interculturalité, de la rencontre entre personnes d’ici et d’ailleurs, c’est prendre le temps d’observer la beauté du commun et la richesse de la différence.
Je ne peux pas rêver de meilleur moteur que celui-là !