Insultes, moqueries ou discriminations fondées sur la couleur de peau : dans la société comme dans les cours de récréation, le racisme a encore la peau dure. Pourtant, « les enfants ne peuvent être spontanément racistes », explique Sylia Talbi, responsable du pôle éducation populaire à SOS Racisme.
Si les enfants ont des comportements ou remarques racistes, c’est souvent par mimétisme ou manque d’information, de compréhension. Le rôle des parents dans l’éducation de leurs enfants est donc crucial pour accompagner les enfants vers le respect des autres et le vivre-ensemble.
Comment définir le racisme ?
Le racisme a été théorisé au XIXe siècle, principalement pour justifier les projets coloniaux et la ségrégation menés par les Européens. Au siècle précédent, les Européens avaient classifié scientifiquement les plantes et les animaux. Ensuite, cela a été fait pour les êtres humains : la couleur de peau, la taille du crâne, et d’autres critères physiques sont alors utilisés pour distinguer des « races ».
Le problème, c’est qu’on va ensuite hiérarchiser ces catégories d’humains. Cette hiérarchisation est faite pour justifier la domination d’un groupe sur un autre : c’est le racisme. Le mécanisme est le même que pour le sexisme : sur une différenciation, on construit une discrimination.
Comment aborder ce sujet complexe avec les enfants ?
Dès le plus jeune âge, il est possible de travailler avec les enfants sur le respect et la différence de l’autre. Pour parler du mécanisme du racisme à proprement parler, il faut sans doute attendre l’âge de six/sept ans pour que votre enfant puisse comprendre.
Un enfant de trois à six ans remarque les différences physiques et les différentes couleurs de peau. Mais il ne va pas penser qu’une personne est supérieure à une autre sur la base de ces différences. Il ne va pas non plus produire des stéréotypes, sauf à répéter ce qu’il a entendu ailleurs.
À six ou sept ans, l’enfant va commencer à comprendre les hiérarchies. Il saisit les catégories riche/pauvre, garçon/fille, handicapé, etc. Cette compréhension des catégories va faire émerger des préjugés. Et c’est là qu’il va falloir, en tant que parent, apporter des explications.
À quels moments l’aborder ?
Comme nous l’avons vu, l’enfant voit la différence : il voit une personne blanche ou une personne noire. Et s’il n’a pas l’habitude d’en voir, il ne comprend pas. C’est ce qui mène à des questions qui mettent souvent les parents mal à l’aise : « Pourquoi la dame est grosse ? », « Pourquoi le monsieur est noir ? ».
Toute question d’enfant est pure, c’est à nous de le guider, de lui transmettre des valeurs d’égalité, pour que cette catégorisation ne devienne pas un support de discrimination. Il faut accompagner les enfants dans leur complexification des catégories.
Un enfant ne naît pas raciste, il ne peut pas l’être, mais on doit lui apprendre à se comporter de manière égalitaire. S’il vous pose des questions, s’il est perplexe sur une situation, écoutez-le et accompagnez-le.
Si votre enfant est victime de racisme, vous pouvez d’abord recevoir ses émotions sans les commenter, les accueillir, pour ne pas prendre le risque qu’il s’enferme sur lui-même. Ensuite, selon son âge, vous pouvez lui expliquer que ce qu’il a subi s’inscrit dans un contexte bien plus large, que c’est grave et qu’on ne peut pas laisser passer cela.
Sur quels supports pédagogiques se baser ?
Vous pouvez d’abord apporter des explications. Expliquer que cette différenciation n’implique pas de différence de capacité, d’intelligence, d’égalité. Il ne faut pas nier la différence que l’enfant voit : s’il s’interroge sur la présence d’une personne qui ne lui ressemble pas, on peut parler de la colonisation, la migration, les raisons et la richesse de notre société multiculturelle.
Selon l’âge de l’enfant, on peut regarder des images de squelettes pour montrer que celui-ci est identique, quelle que soit notre origine. On peut expliquer aussi ce qu’est la mélanine (les pigments qui colorent la peau), qui fait que les peaux sont plus claires ou plus foncées.
Pour connaître la sensibilité de notre enfant, on peut aussi regarder des films, des livres, pour trouver le support le plus adapté. On peut faire référence à l’Histoire, pour aider à comprendre les conséquences du racisme.
Pour montrer que le racisme est intolérable, vous pouvez aussi faire référence à la loi, en faisant par exemple un parallèle avec les règles de l’école. Avec les plus grands, on peut parler des 25 critères de discrimination punis par la loi.
Si l’on vit dans un milieu peu interculturel, cela peut être plus compliqué car on peut fantasmer nos représentations. On n’a pas l’opportunité d’aller jouer avec celui que l’on identifie comme « l’autre ». Dans ce cas, on peut proposer à son enfant de découvrir d’autres cultures, via des jeux, des films, de la musique, des activités manuelles. On peut aussi aller visiter des musées mémoriaux pour développer la curiosité de l’enfant.
Vous pouvez construire un instrument de musique en matériaux recyclés, faire une fresque ou une mosaïque autour de différents pays et cultures. Ces moments d‘échange et de complicité sont aussi des moments de libération de la parole.
Il faut aussi donner le bon exemple, en tant que parent ?
Les enfants agissent par mimétisme. Il faut donc, en tant que parent, être exemplaire. Il m’arrive, comme à tout le monde, d’avoir des préjugés. Mais notre travail en tant qu’adulte est d’identifier les préjugés chez nous et de nous améliorer. Si votre enfant était présent au moment où vous avez eu une attitude peu adaptée, vous pouvez revenir dessus avec lui.
Si votre enfant assiste à une scène de racisme ou en est victime, dans tous les cas il faut l’inviter à exprimer ses émotions. Si vous avez l’opportunité d’agir sans vous mettre en danger, vous pouvez le faire en interpellant la personne qui a eu des propos racistes. Il est important que les parents montrent leur refus de la situation.
Que faire si mon enfant a des propos ou des comportements racistes?
Si votre enfant dit quelque chose de raciste, il est important d’interroger l’enfant : « Pourquoi tu dis cela ? ». Puis d’expliquer pourquoi cela ne se fait pas, avec un ton ferme et intransigeant, tout en restant bienveillant, car il est possible que l’enfant répète juste des propos qu’il a entendus ailleurs. Il ne faut pas fuir ces sujets-là. Si un parent est mal à l’aise sur un sujet et n’en parle pas, cela laisse la place à des dérives car l’enfant va aller chercher à s’informer autrement.
Pour les plus petits, on peut utiliser l’empathie. Par exemple, il arrive qu’en maternelle, des enfants noirs soient appelés « caca » ou « chocolat » par leurs camarades. C’est très dur pour ces enfants. Mais ce n’est pas du racisme à cet âge. On peut demander à son enfant : « Aimerais-tu être traité de caca ? »
Les maîtres-mots sont écoute, empathie et fermeté. D’abord écouter son enfant s’il a des questions et ne pas fuir ces sujets. Ensuite, l’encourager à l’empathie : « Comment te sentirais-tu, toi, si on t’avait dit ça ? »
Et enfin être ferme : les enfants doivent comprendre qu’on ne peut pas laisser passer le moindre mot raciste ou discriminant, sinon c’est une forme de validation.
Sylia Talbi est responsable du pôle éducation populaire à SOS Racisme depuis 2019. Elle a suivi une formation en sciences sociales, avant de devenir cheffe de projet et responsable pédagogique dans un projet de lutte contre l’abandon scolaire en milieux ruraux au Maroc.
Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant :
À lire :
- On n’aime pas les chats, de François David
- Noirs et Blancs, de David McKee
- Le racisme expliqué à ma fille, de Tahar Ben Jelloun
- Café au lait, de Géraldine Jaye
- Comment parler du racisme aux enfants, Rokhaya Diallo
À découvrir :
- Le film La vie est belle
- Dîner en famille, un jeu pour lutter contre les préjugés (plutôt pour les adultes)