Benjamin Vasseur est formateur « ouvrier de production horticole », à la Maison centrale sécurisée d’Arles (13), pour l’institut de formation Léo Lagrange PREFACE. Il dispense cette formation qualifiante de dix mois qui alterne cours théoriques et cas pratiques sur une zone arborée de 4000 m2 attenante à l’établissement. La plupart de ses stagiaires actuels termineront leur peine en 2040.
Chaque jour, les huit stagiaires de Benjamin bénéficient de deux heures de cours théoriques puis de trois heures et demie de travaux manuels en extérieur. Ils ont trois modules thématiques à passer et deux cents noms latins de plantes à apprendre. Les personnes détenues dans cet établissement purgent de longues peines, de 20 à 30 ans. Pourtant, le formateur doit intégrer régulièrement de nouveaux stagiaires : « Presque toutes les trois semaines, j’ai quelqu’un qui quitte la formation et quelqu’un qui le remplace, en raison de troubles psy ou de problèmes de comportement. Je m’adapte alors aux différents niveaux : j’avance avec ceux qui sont les plus aptes, je confie pendant ce temps aux autres d’autres types de travaux manuels. »
Adapter les travaux manuels et la composition des groupes en fonction des profils des stagiaires
Benjamin estime que la moitié de ses stagiaires ont des problématiques psychiatriques, l’enfermement ne laisse pas indemne et impacte forcément le quotidien de la formation. « Quand j’ai des problèmes de comportement liés à des problèmes psy, le groupe peut basculer et je prends alors du retard sur le programme. Je dois constamment tout réadapter, je ne peux pas mettre certaines personnes ensemble lors des travaux manuels en sous-groupes, soit en raison de leur comportement soit parce que l’usage de sécateurs est nécessaire. Et ce n’est pas possible pour tous. »
Volailles, poissons, serre et espaces cultivables individuels
Les dix mois de formation sont rythmés pas les saisons : l’hiver est moins propice aux travaux en extérieur, donc les stagiaires réalisent des fabrications en bois : hôtels à insectes ou panneaux directionnels pour la zone arborée par exemple. Une serre leur permet également de préparer des semis. Benjamin tient aussi compte de la forme physique de chacun pour les travaux manuels : les plus jeunes travaillent ensemble sur des tâches demandant un effort physique pendant que les autres préparent les semis, l’étiquetage ou bien s’occupent des volailles et des poissons.
Benjamin précise que chacun dispose de son propre espace cultivable : « ils doivent s’en occuper, réfléchir à son contenu, cela forge leur créativité. Ils y pensent en cellule, consultent des ouvrages à la bibliothèque. » Il constate leur évolution au fil des mois, grâce à la formation, « ils révèlent des choses d’eux-mêmes, ils sont capables de construire et de faire aboutir un projet. Pourtant, beaucoup pensaient que l’apprentissage ce n’était pas pour eux et qu’ils n’y parviendraient pas ! ».
Socialisation, confiance en soi et préparation de la sortie
L’objectif d’une formation qualifiante pour des personnes détenues dans le cadre de longues peines pourrait interroger. Pourquoi suivre une formation qualifiante dont les apprentissages seront peut-être obsolètes dans 10 ou 20 ans ? Pour certains, la formation permet la socialisation, la reprise de confiance en soi et de retrouver une hygiène de vie correcte, grâce au cadre imposé par l’apprentissage.
Pour d’autres, en fin de peine, des aménagements sont possibles et la formation leur assure un cadre structurant jusqu’à leur sortie : « Nous avons un partenariat avec une association qui gère une réserve naturelle. Pour ceux qui bénéficient d’un aménagement de peine, ils travaillent alors à la restauration des berges. Pour d’autres, très proches de la sortie, l’équipe de l’administration pénitentiaire me demande de les garder en formation même après l’obtention de leur diplôme, pour les isoler du monde carcéral et leur éviter des problèmes. De plus, ainsi, ils conservent un lien avec le milieu professionnel jusqu’à leur sortie. »
La formation : interface entre l’extérieur et le milieu pénitentiaire
La formation permet aussi de rappeler à ces personnes privées de liberté pendant de nombreuses années, que l’extérieur existe et les attend. Benjamin sollicite des intervenant.es extérieur.es pendant la formation : un apiculteur est venu à leur rencontre parler de son métier et un chef étoilé a cuisiné les légumes du jardin sur place, à leurs côtés. Le professionnel est ravi « ils étaient super contents ! Ils n’attendent que ça, de suivre une activité qui les relie à l’extérieur, savoir comment ça se passe dehors. » Le rôle de Benjamin est aussi crucial pour cela : il fait le lien avec l’extérieur. Les personnes détenues ne doivent pas oublier qu’une vie, derrière les murs, les attend. Comme nous ne devons pas oublier qu’elles existent.
Le rôle de PREFACE et de ses formateur.rices est aussi de maintenir le lien avec l’extérieur, pour prévenir toute désocialisation et préserver leur dignité. Ils contribuent ainsi à préparer, un jour, leur sortie.
Pour en savoir plus sur l’institut de formation PREFACE:
L’expérience de Malika, Benjamin et Philippe, formateur.rices en milieu pénitentiaire
La formation d’agent de maintenance des bâtiments à la maison d’arrêt de Périgueux
Socialisation, remobilisation et confiance en soi : un préalable au rebond des personnes détenu.es