Du 24 au 28 avril 2023, 18 professionnel·les petite enfance venu·es de France, d’Italie et d’Allemagne se retrouvaient à Berlin pour clôturer le cycle des trois séminaires petite enfance organisés dans chacun des trois pays depuis 2022, avec le soutien financier de l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse (OFAJ). Au programme : échanges et visites pour enrichir les réflexions des professionnel·les de la petite enfance à propos du lien unissant l’enfant à la nature et l’environnement.
L’enfant et la nature : comment maintenir le lien ?
Quelques mois après leur dernière rencontre à Trente (Italie), 7 professionnelles Léo ont retrouvé leurs homologues allemand·es et italien·nes pour une nouvelle semaine de partage, cette fois-ci à Berlin. Comme une conclusion à la trilogie initiée dans le Pays de Gex en mars 2022, les participant·es à ce dernier séminaire ont axé leurs échanges autour du lien entre la nature et l’enfant dans une grande ville : « Comment les enfants des villes peuvent avoir et entretenir un lien fort avec la nature ?» questionne Célia Dedeyan, responsable des projets européens à la Fédération Léo Lagrange. « C’est une réflexion qui est très développée en Allemagne et notamment à Berlin : la pédagogie allemande donne une grande importante à l’extérieur, à la nature et à l’environnement. »
Florence Monin, directrice adjointe du multi-accueil du pôle petite enfance de Beaurepaire (38) et participante aux trois séminaires trinationaux, se réjouit du choix de cette thématique : « C’est bien de sensibiliser au respect de la nature dès le plus jeune âge, c’est un terrain de jeu et de découverte infini la nature ! On peut y observer des espaces, le très grand, le très petit, le rapport au vivant, aux insectes… Et puis ça amène aussi à l’ouverture au sens large : à l’extérieur les repères dans l’espace ne sont pas les mêmes et donc ça favorise l’aller vers l’autre. » Dans la pédagogie allemande, la vie à l’extérieur est partie intégrante d’une journée d’enfant : qu’il neige ou qu’il pleuve, les bambins sortent pour explorer leur environnement extérieur, et développer leurs sens au contact de la nature. Ces pratiques, moins répandues en France, répondent cependant à l’un des dix grands principes de la Charte nationale de l’accueil du jeune enfant : « Le contact réel avec la nature est essentiel à mon développement. » Dans ce contexte, rien de tel que de se nourrir de l’expérience des voisins allemands pour alimenter nos pratiques !
Au cours des nombreuses visites et rencontres organisées par les professionnels de Dreieins Innovative Pädagogik gGmbH, entreprise allemande gestionnaire de crèches, les 7 salariées Léo Lagrange ont pu découvrir d’autres pratiques, spécifiques à l’environnement allemand et berlinois. « On a vu qu’il y avait des extérieurs qui étaient exploités au maximum, une grande importance donnée aux fonctions naturelles des enfants avec la marche, la grimpe… » décrit Myriam Cuenot-Haddad, référente pédagogique au sein du réseau Léo Lagrange petite enfance. Les espaces d’accueil visités par les professionnelles italiennes et françaises démontraient une véritable réflexion autour de l’organisation de l’espace : « il y a une vraie harmonie et une beauté qui permet aux enfants d’être calmes et d’avoir envie de respecter les lieux, en jouant avec les couleurs, les matériaux, l’ameublement… on sent que c’est pensé pour correspondre à l’harmonie naturelle de l’être humain » poursuit Myriam.
Enrichis des expériences des deux précédents séminaires, ces quatre jours à Berlin répondaient à l’envie d’échanger et de découvrir un maximum de structures et de pratiques types. Myriam explique par ailleurs que le programme a été construit « pour que ce soit le plus participatif possible. On avait de vrais temps d’échange, des visites chaque matin et des retours d’observation l’après-midi en présence des professionnels qui pouvaient répondre à toutes nos questions. »
L’interculturalité au cœur de la démarche
Soutenu financièrement par l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse (OFAJ), ce séminaire trinational invite des professionnel·les aux pratiques et perceptions différentes à questionner leur projet pédagogique pour l’enrichir des expériences de leurs pairs européens. Célia explique : « Donner des compétences interculturelles à des professionnels c’est très important, même si ça reste des compétences personnelles, ça serait intéressant qu’à la suite de ces séminaires ils et elles mettent en place des activités interculturelles au sein des crèches, ça peut en tout cas agir comme un premier déclic. »
Aller à la rencontre de l’autre, c’est aussi prendre la mesure de nos différences, en témoignent les retours de Myriam et Florence : « L’ouverture sur les pays voisins nous ouvre culturellement, nous mesurons les points positifs dans chaque pays et aussi nous prenons conscience que certaines difficultés sont partagées, comme le recrutement de personnel par exemple. On réalise nos différences mais en même temps ça nous ouvre à réfléchir autrement, ça nous amène de l’humilité, mais aussi à s’interroger sur la confiance qu’on donne à l’enfant par exemple. » Myriam poursuit en ces termes : « Il nous a permis de comprendre la vision de chaque culture, de nos missions, surtout lorsque nous accueillons des familles de cultures différentes. »
En découvrant d’autres façons de faire et de penser, la pédagogie de nos professionnel·les ne peut qu’en être enrichie ! A la suite de ces trois séminaires, une question est au bout de toutes les langues : comment continuer à faire du lien, faire perdurer ces échanges ? Florence a attendu de revenir de ces trois séminaires pour faire le point avec ses collègues du multi-accueil de Beaurepaire : « J’avais envie d’attendre d’avoir fait les trois étapes pour pouvoir faire une présentation plus concrète, et pouvoir faire ressortir les similitudes que j’ai pu noter, et les particularités de chaque structure visitée et des systèmes allemands et italiens, pour voir ensemble ce que l’on a envie d’instaurer. » Un retour d’expérience qui a déjà porté ses fruits puisque la crèche de Beaurepaire a investi dans des paires de bottes à destination des trente enfants qu’elle accueille, pour que ces dernier·ères puissent profiter des espaces extérieurs et du potager solidaire voisin de la structure. C’est d’ailleurs le séminaire de juillet 2022 à Trente (Italie) qui avait agi comme un déclic. Désormais, au retour de Berlin, Florence revient avec une nouvelle idée : construire une maison range-bottes pour encourager encore les sorties extérieures et sensibiliser les parents à ce besoin.
L’objectif : renouveler l’expérience !
Au contact de leurs pairs non francophones, nos professionnelles ont rapidement vu la barrière de la langue s’abaisser, grâce à l’intervention des deux interprètes qui ont suivi les échanges tout au long de la semaine : « On s’est rendu compte que la qualité de la relation permet de dire des choses sans que la langue soit importante » commente Myriam, qui avoue par ailleurs s’être souvenue de quelques cours d’allemand lors de son séjour à Berlin. Au-delà des nouvelles pratiques et inspirations qui ont vu et verront le jour à la suite de ces semaines passées dans le Pays de Gex, à Trente et enfin à Berlin, ce sont de véritables liens humains qui se sont créés.
« C’était un premier cycle de trois séminaires. Les retours des pros sont très positifs, l’idée ce serait de continuer sur cette voie, faire partir d’autres pros du réseau pour que d’autres aient la chance de partir s’ils le souhaitent, impliquer d’autres crèches, et partir ailleurs. L’objectif c’est que cela évolue et se développe chaque année. » explique Célia, laquelle s’enthousiasme à l’idée de voir de nouveaux liens se créer entre les professionnel·les européens de la petite enfance. L’idée est partagée par Myriam : « On aimerait beaucoup que ça se poursuive, le principe de s’ouvrir à d’autres façons de faire et d’autres cultures de la petite enfance ça enrichi considérablement, ça nourrit. Il y avait une vraie volonté d’accueil et d’intérêts, on ne parle pas les mêmes langues mais on se comprend quand même parce que notre intérêt est commun. »
Laissons le mot de la fin à Florence qui se dit « consciente du privilège de pouvoir participer à ce genre de temps, c’était vraiment super. Je ne sais pas si cela se reproduirait mais je le conseillerais vivement parce que ça permet de sortir de ses problématiques quotidiennes et de prendre du recul sur notre travail. Ca redonne de l’envie de faire des choses, ça ré-ouvre sur la raison de notre travail et ça redonne du sens au projet ! »
Pour garder le contact :
Célia Dedeyan
Responsable des projets européens et permanente pédagogique OFAJ
celia.dedeyan@leolagrange.org
Myriam Cuenot-Haddad
Référente pédagogique, formatrice et superviseure Petite enfance
myriam.cuenot-haddad@leolagrange.org
Florence Monin
Directrice du multi-accueil du pôle Petite enfance de Beaurepaire (38)
florence.monin@leolagrange.org