La question de l’accueil des familles défavorisées en établissements d’accueil du jeune enfant est aujourd’hui pleinement d’actualité avec le plan interministériel de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, lancé par le gouvernement en octobre 2018. Dans ce cadre, le département de la Loire a mis en place un projet pilote auprès de quatre structures petite enfance du territoire pour accompagner les professionnel.le.s dans l’accueil des familles les plus vulnérables. Le multi-accueil Léo Lagrange Môm’Astrée à Sainte-Agathe-la-Bouteresse et la crèche Léo Lagrange La Source à Saint-Etienne font partie de ces structures pilotes.
Réussir la mixité sociale dans les modes d’accueil du jeune enfant
Seulement 5% des enfants de moins de 3 ans appartenant aux 20% des ménages les plus pauvres sont accueillis en crèche, contre 22% des enfants des parents les plus aisés. L’un des objectifs de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté est de réduire les inégalités liées au milieu social d’origine par la promotion de la mixité sociale dans les crèches, un mode d’accueil qui favorise le développement de l’enfant et l’apprentissage du langage.
Former et outiller les professionnel.le.s pour une meilleure prise en charge des familles ayant des besoins spécifiques
Dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté, le département de la Loire soutient et accompagne la mise en place d’accueil prévention de jeunes enfants dans quatre établissements d’accueil collectif sur le territoire. L’enjeu de la démarche est de sensibiliser les professionnel.le.s aux enjeux de la prévention et de les accompagner pour accueillir les familles les plus fragiles. « Nous avons toujours été sensibles à l’accueil des familles vulnérables. Nous avons l’habitude de travailler en lien avec la Protection maternelle infantile (PMI) », explique Julie Moreira, directrice de la Source, crèche de 60 berceaux située en quartier politique de la ville. « Accompagner les équipes est important et valorisant. Les professionnels n’ont pas tous la même formation, pas le même regard. »
« C’était une réelle volonté de notre part d’ouvrir notre structure à des familles fragiles, de veiller à ce qu’elles aient accès à la crèche », explique Nathalie Olivier, directrice du multi-accueil Môm’Astrée situé en milieu rural. « Ce n’est pas une décision anodine. Ces familles demandent une prise en charge particulière qui peut bousculer les professionnels, réinterroger leurs pratiques. Ce ne sont pas des situations qui laissent indifférents. »
Les professionnel.le.s sont souvent amenés à assouplir le cadre avec ses familles. C’est un accompagnement à la parentalité au long cours. « C’est forcément déstabilisant pour les équipes. Mais c’est aussi très valorisant de voir qu’au fil du temps l’accueil de ces enfants se passent de mieux en mieux, que les parents sont plus apaisés et qu’ils nous font confiance », témoigne Julie.
Pour mener à bien ce projet, un.e professionnel.le.s de la PMI s’est rendu.e dans chaque crèche pour présenter le dispositif, cibler les familles suivies dans ce cadre et mettre en place une méthodologie de suivi pour pouvoir dresser le bilan de l’action et sa possible duplication.
Interroger ses pratiques pour un accueil adapté
L’accompagnement des professionnel.le.s s’est notamment matérialisé par trois interventions,de Pierre Moisset, sociologue, sous forme de conférences débats auprès de toute l’équipe de chaque structure petite enfance pilote. Ce cycle, lancé début 2020, visait à définir et mieux comprendre les familles les plus fragiles, à évoquer le vécu des professionnel.le.s face à l’accueil de ces dernières, à revenir sur le déroulement de l’accueil et à réfléchir aux outils et supports nécessaires pour travailler au mieux auprès de ces publics.
« La première conférence a désamorcé pas mal d’inquiétudes et apaisé certaines contrariétés », explique Nathalie. « Elle a été l’occasion de rappeler la nécessité de se concentrer sur les besoins de l’enfant et sur ce que l’on peut lui apporter. On construit, on accompagne autour de ce qu’on connaît. »
« Cette conférence a également permis de déconstruire certaines idées reçues, de mieux comprendre les problématiques de ces familles en difficultés et parfois d’adoucir le regard qu’on peut poser sur elles », observe Julie. « Ces interventions ont créé une réelle dynamique notamment dans les échanges entre professionnels qui sont plus enclins à partager leurs observations, leurs ressentis et à prendre du recul sur leur pratique. Les professionnels ont pris conscience que pour ces enfants, notre crèche est un lieu sécurisant qui leur assure un bon repas par jour, de bonnes conditions d’hygiène, un espace dédié pour le sommeil. Cette prise de conscience leur a permis de se recentrer sur les besoins de l’enfant »
Désormais, vient le temps des bilans ! « L’objectif est de faire le point sur le travail effectué auprès des familles identifiées comme fragiles et de réfléchir à la manière de poursuivre et d’élargir cette dynamique », explique Nathalie. « C’est une expérience très positive qui a permis de mettre en valeur le travail et les compétences de nos professionnels. Nous avons pu observer l’évolution du travail effectué auprès de ces familles et constater l’utilité sociale d’une structure comme la nôtre », conclut Julie.