Proposer des cours de français langues étrangères (FLE) à des personnes d’origine étrangère qui vivent en bidonville, afin de faciliter leur insertion sociale et professionnelle, tel est l’objectif de l’Instep Occitanie à Montpellier depuis novembre 2022. Cet institut du réseau Léo Lagrange formation a démarré son intervention au sein des bidonvilles, pour ensuite amener progressivement ses habitant.es à devenir des stagiaires de la formation dans une salle de cours dédiée. Le travail partenarial avec la Cimade et l’association AREA permet d’accompagner ces bénéficiaires vers un parcours d’insertion à plus long terme.
En complément de l’accompagnement social global réalisé par les associations qui interviennent dans et à l’extérieur des bidonvilles, la ville de Montpellier a mandaté l’Instep Occitanie dans la mise en œuvre d’actions sociolinguistiques et d’ateliers linguistiques à visée professionnelle.
La Ville de Montpellier a lancé un appel à projet pour accompagner les habitant.es des bidonvilles qui cumulent freins économiques, sociaux et linguistiques par la mise en place de cours de FLE. Jamila Salmi, manager d’activités territoriales, se rappelle du constat de départ : « l’absence de maîtrise du français est un frein considérable pour l’insertion et contribue à isoler les personnes des bidonvilles. La mairie a donc entrepris de mettre en place des cours de FLE pour faciliter leur insertion et résorber progressivement ces lieux d’habitat insalubres et illégaux. »
Aller-vers, dans les bidonvilles, pour créer la relation de confiance
L’aller-vers était au cœur de la réponse proposée par l’Instep Occitanie. Sandrine, formatrice FLE, a commencé en novembre 2022 à se rendre chaque semaine dans plusieurs bidonvilles, identifiés par les travailleurs sociaux d’AREA et de la Cimade. « Cette 1ère phase qui a duré environ 6 mois a permis de créer une relation de confiance. C’est une période pendant laquelle ils m’ont beaucoup observée et j’ai dû attendre pour être acceptée. Ensuite, on devient un point d’ancrage et ils peuvent accepter de sortir de leur système pour suivre des cours ailleurs » raconte la formatrice.
Car donner des cours de FLE en bidonville, cela signifie intervenir aux domiciles des familles, donc potentiellement exclure d’autres familles qui ne sont pas du clan, et devoir respecter leurs règles et non celles d’un cours habituel : « une salle de classe est neutre et n’appartient à personne. Intervenir en bidonville signifie obéir aux codes sur place ». En appui du constat de l’association AREA, Sandrine et Jamila ont donc proposé au comité de pilotage de sortir du camp : « si on va trop vers eux, on est embarqué dans leur monde et leurs codes, il faut que cela dure seulement un temps limité ».
Faire sortir les personnes de leur « zone de confort », les amener vers une salle de cours en ville
Grâce aux travailleurs sociaux, l’Instep obtient une salle au Secours Catholique, une demi-journée par semaine. Grâce à la relation de confiance créée en bidonville et au suivi réalisé par les éducateur.rices de la Cimade et d’AREA, les bénéficiaires se rendent progressivement dans la salle de cours réservée pour le FLE. « Proposer un cours en ville, signifie aussi les sortir du bidonville. Les amener à sortir de leur zone de confort et à rencontrer d’autres personnes que celles de leur clan » précise Jamila. L’action FLE étant aussi destinée aux hébergé.es d’urgence hors bidonville, ces bénéficiaires ont pu se rendre aux cours, ce qui était impossible tant qu’ils avaient lieu uniquement en bidonville.
Cette salle devient un point d’ancrage pour le démarrage de leur parcours : « nous pouvons ainsi préparer leur insertion car ils doivent à présent respecter d’autres codes, d’autres règles, parler français avec les autres participants. On rend possible des choses qui ne l’étaient pas en bidonville. »
Les cours de FLE pour enclencher un parcours d’insertion sociale et professionnelle
Pour Jamila, le FLE est ici un prétexte pour dynamiser l’insertion sociale des personnes : « nous repositionnons ces bénéficiaires dans un système où ils ont un autre rôle, des responsabilités, un autre rapport au temps. »
S’inscrire dans le temps long est indispensable, pour créer la relation de confiance, faire comprendre que le cours de FLE et l’action proposée constituent des ressources pour les personnes et que lorsqu’elles en auront besoin, les formatrices seront là pour les recevoir. Sandrine explique l’impact progressif de l’accompagnement réalisé avec une personne tout d’abord : « en touchant un habitant du bidonville, on va toucher toute sa famille puis son clan. Si elle obtient un travail après les cours de FLE, ça va se savoir, les autres se rendront compte que c’est possible de sortir de leur situation. Lorsqu’ils seront prêts, ils penseront à nous et viendront nous voir. » Toutefois, Sandrine continue à se rendre chaque semaine dans les bidonvilles pour inciter ensuite les personnes à venir dans la salle de cours en ville.
S’inscrire dans le temps long pour accompagner les plus éloignés de l’emploi
Le partenariat entre l’Instep Occitanie et les travailleurs sociaux est fait d’allers-retours permanents, pour comprendre les situations, accompagner au cas par cas. Parvenir à faire sortir les personnes des bidonvilles pour les cours de FLE ouvre un champ des possibles et va impacter progressivement les bénéficiaires et leurs entourages. Mais les professionnel.les mobilisé.es sur cet accompagnement ont besoin d’un temps long, pour s’adapter aux contraintes et aux propres représentations des personnes qu’ils accompagnent. Placer les personnes les plus éloignées de l’emploi au cœur du dispositif fait partie de l’ADN du réseau Léo Lagrange formation.
Pour garder le contact :
Jamila Salmi
Manager d’activités territoriales
jamila.salmi@instep-occitanie.fr