Léo Lagrange Nord-Ile-de-France intervient à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy (78) pour coordonner et mettre en place des actions socioculturelles. Le projet EthnoBD a débuté à partir d’une définition collective de notions fondamentales telles que « discrimination » ou « ethnocentrisme » et « stéréotypes ». Il a été proposé d’aborder l’anthropologie par une entrée sur les actualités afin de mieux appréhender la manière dont cette discipline peut fournir un nouvel éclairage sur les débats sociétaux parfois intenses.
Une véritable volonté de faire ensemble et de penser a pu s’exprimer au cours du stage. Les séances menées par l’artiste ont permis aux 9 participants de découvrir les bases de la réalisation d’une bande dessinée : imaginer un personnage, une histoire, puis construire un scénario. Ensuite, ils ont procédé au découpage et à la mise en image de leur récit. Cette étape implique le choix des plans, de l’enchaînement des vignettes dessinées, l’écriture des dialogues et des encarts narratifs. Enfin, ils ont procédé au dessin, puis à l’encrage des planches et la mise en couleur, pour ceux qui le souhaitaient.
Tout au long du processus de création de leur BD, les participants ont travaillé avec des références graphiques et des albums de bande-dessinée mis à leur disposition, leur montrant aussi la diversité de la production graphique mondiale (comics américains, mangas japonais, romans graphiques français, bande-dessinée franco-belge).Pour l’artiste, ces séances furent un temps important d’échange, de partage et d’inspiration, qu’elle décrit comme « profondément humain », qui lui ont permis de dépasser des préjugés et des clichés sur le monde carcéral.
Les participants ont interrompu leur création pour se prêter au jeu du débat. L’objectif était de proposer à ces personnes un espace de parole, sur un sujet de société récemment hissé au premier plan de l’actualité, tout en leur apportant des éléments théoriques et réflexifs venus de l’anthropologie et de l’histoire. Afin de saisir toutes les dimensions de la notion de discrimination, une des séances abordait la question des processus de catégorisation du monde, auxquelles toutes les sociétés se prêtent.
Leurs dessins révèlent la grande diversité des parcours et des horizons d’où ils proviennent mais aussi une vision commune dite « naturaliste », propre aux sociétés occidentales, qui tend à placer l’humain au centre du monde. Deux d’entre eux ont cependant donner à voir un autre point de vue : l’un rapporte l’humain à un point dans le cosmos, un autre, ayant reçu une éducation imprégnée de la cosmogonie amazonienne, place l’être humain dans un rapport plus égalitaire avec le monde animal et végétal. Certains ont souligné les ravages de l’histoire de la colonisation, de l’esclavage et de la conquête de l’Afrique et des Amériques dans la mise en place d’un monde inégalitaire et discriminatoire dont les conséquences se font sentir jusqu’à nos jours.
Le débat s’est ensuite centré sur les processus de catégorisation et de différenciation au sein des sociétés humaines. A partir de la notion de frontière, proposée par l’un d’entre eux, les participants ont échangé sur la question des différences dans les processus identitaires qu’ils soient individuels ou collectifs : où commencent-elles ? Quelles significations revêtent-elles ? Quand deviennent-elles problématiques ? Se sentant très concernés par le sujet, les participants ont montré leur capacité à prendre du recul et à réfléchir sur un sujet d’actualité. Ils nous ont précisé combien ils avaient été contents de pouvoir s’exprimer en profondeur sur un sujet aussi complexe.
Projet EthnoBD au Centre Pénitentiaire de Bois d’Arcy a été animé par l’illustratrice Mélissa Morin et deux médiatrices scientifiques d’EthnoArt sur la thématique de l’altérité.
Depuis 2006, Léo Lagrange Nord-Ile-de-France gère la mise en œuvre de la coordination culturelle à destination des personnes placées sous main de justice en Ile-de-France. Elle assure ainsi la programmation