Le rire est essentiel à la vie : cela permet de créer du lien et de se sentir bien. Pendant le confinement, Julie Mamou Mani a créé une page Instagram de nouvelles positives et de blagues, suivie aujourd’hui par plus de 200 000 personnes. La journaliste s’est intéressée au rire ce qui l’a amenée à écrire un livre et à créer un spectacle. Elle en tire une conclusion : il faut remettre « le rire au centre du village » et favoriser les espaces pour rire en famille et ailleurs.
Pourquoi est-ce important de rire au quotidien ? Qu’est-ce que ça créée dans le corps et le cerveau ?
On peut d’abord noter qu’on a encore peu de connaissances sur le rire, car il n’existe pas beaucoup d’études sur le sujet. On a malheureusement tendance à se concentrer davantage sur les choses négatives que sur les choses positives. Le site qui recense les études de médecine, répertorie 72 000 études sur les larmes… et 2 600 sur le rire.
Mais on sait que lorsqu’on rit, on déclenche des doses de dopamine (l’hormone du plaisir immédiat), d’ocytocine (l’hormone de l’amour) et de sérotonine (l’hormone du bonheur). Rigoler détend les muscles et a aussi des effets positifs sur la respiration. C’est vraiment un antidépresseur naturel incroyable.
Des études montrent par exemple son effet sur les enfants hospitalisés. Pour ceux qui ont l’occasion de voir régulièrement des clowns d’hôpitaux, on peut diminuer de 2 à 4 fois la dose d’antalgiques. Le rire peut donc adoucir une peine ou une douleur : ça parait fou mais ça marche !
On sait aussi que le cerveau ne fait pas la différence entre un rire forcé et un rire spontané, lié à une blague par exemple. On peut donc bénéficier de tous les bienfaits apportés par le rire en s’entrainant à rire : c’est la démarche du yoga du rire, où on se réunit en groupe pour accueillir des fous rires ensemble.
Il arrive parfois que le rire aide à se soigner : un journaliste, Norman Cousins, était atteint d’une spondylarthrite ankylosante. Il s’est dit que si les choses négatives de la vie ou le stress apportaient des ulcères, des dépressions, etc., à l’inverse peut-être que si on était confronté à des choses positives on pouvait aller mieux. Il s’est donc enfermé dans une chambre d’hôtel pour visionner des tas de films comiques. Et contre toute attente, sa santé s’est améliorée. En se concentrant sur des choses drôles, on peut donc se faire du bien.
Comment intégrer le rire au quotidien ?
Je milite vraiment pour qu’on amène le rire dans les écoles et partout ailleurs. Le rire a souvent été vu comme quelque chose qui n’était pas sérieux. Au contraire, je crois beaucoup au rire et au fait d’essayer, de temps en temps, de mettre des lunettes roses pour voir le positif.
En effet, le rire s’apprend. Il n’y a pas de gêne du rire, qui serait plus développé chez une personne que chez une autre. Et c’est une bonne nouvelle : ça veut dire qu’on va toutes et tous l’apprendre et le développer au quotidien.
Y a-t-il des choses pratiques à mettre en place en famille pour apporter plus de rire ?
Cela paraît être du bon sens, mais on peut déjà commencer par sourire au quotidien. Si vous traversez en dehors des clous et qu’un automobilise s’apprête à vous sermonner, si vous répondez en souriant, il sera désarmé.
C’est important aussi que les adultes gardent leur âme d’enfant : quand on est petit, on dessine toutes et tous, on s’amuse en sautant dans les flaques… À partir de quel moment perd-on cela ? Les enfants rient 400 fois par jour. Et alors que les adultes riaient vingt minutes par jour en 1939, nous sommes aujourd’hui à deux minutes par jour. Il y a donc urgence à remettre le rire au centre de nos vies.
En famille, on peut mettre en place des rituels au quotidien : par exemple, chaque soir, raconter les trois choses qui nous ont fait rire dans la journée ou organiser un concours de blagues tous les dimanches soir. Et régulièrement, mettre de la musique et danser ensemble.
Lorsqu’un adulte s’autorise à rire, il autorise aussi ses enfants à le faire : par exemple, on peut jouer au Time’s up et mettre dans les cartes « personnages » les enfants et adultes de la famille : ainsi les enfants imitent les parents en se moquant gentiment et inversement. C’est très drôle.
Il faut aussi avoir en tête que les enfants apprennent en observant leurs parents : les enfants dont les parents savent faire preuve d’auto-dérision apprennent plus facilement le second degré, par exemple.
On peut aussi jouer avec les mots au quotidien. Je disais à mes enfants des phrases comme : « Enfile ta biscotte et mange ton jean ». C’est tout bête, mais ça permet de créer de petites bulles de poésie qui font du bien. Rigoler en famille, c’est ce qui crée du lien entre nous.
Est-ce possible de maintenir cette joie quotidienne face à l’actualité souvent anxiogène ?
Maintenir des espaces de rire et de joie dans notre monde est une vraie responsabilité des parents. C’est à nous de créer des bulles de douceur, dans lesquelles on va laisser pour un temps le portable et les actualités négatives de côté. Cela ne veut pas dire qu’on n’en parlera pas, mais simplement qu’on va aussi générer des temps de pause en dehors de ces informations négatives.
On peut commencer par un exercice issu du yoga du rire : on tend le bras devant nous et on dit qu’on tient chacun un grand sac poubelle. Dedans, on va mettre tout ce qui est négatif : les devoirs à faire, une remarque qui ne nous a pas plu, une amende, etc. Chacun rempli son sac, puis on l’attache, on le jette derrière nous et on part en fou rire. Après avoir nommé et « jeté » tout ce qui nous préoccupe, on peut alors parler du positif. Au début ça peut paraître un peu ridicule, mais les enfants adorent cela, les rituels où on se raconte les choses positives de notre journée, les meilleurs souvenirs de vacances, etc.
Il faut veiller à ne pas trop alimenter la bête à informations négatives. S’autoriser à dire : « C’est compliqué et difficile ce conflit au Proche-Orient, viens, on va faire un puzzle, ça va nous faire du bien. »
Et dans d’autres domaines, on peut aussi agir dans notre quotidien face aux actualités qui nous angoissent. Si les enfants développent de l’éco-anxiété, par exemple, on va se servir de ces informations négatives pour les transformer en actions positives : on va se renseigner avec les enfants sur ce qu’on peut faire de positif pour agir sur l’écologie.
Julie Mamou-Mani est journaliste. Elle écrit des livres, anime des conférences et crée des spectacles sur les bienfaits du rire et elle alimente le compte Instagram Mamouz, dédié aux contenus positifs.
Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant :
À lire
P.T.D.R, Pour une Thérapie du Rire, de Julie Mamou Mani, Éditions Jouvence
Petit Éloge du Rire, de Julie Mamou Mani, Éditions Leduc
Te laisse pas faire ! : aider son enfant face au harcèlement à l’école, d’Emmanuelle Piquet, Éditions Payot
À découvrir
Ha ha ha, une sélection de 155 livres jeunesse pour rire, édité par la Fédération Wallonie Bruxelles
20 idées toutes simples pour rire en famille, sur le site Apprendre à éduquer
16 jeux pour rire en famille