L’Université Toulouse Capitole a reçu, en mars dernier, la huitième Nuit des Idées en collaboration avec Léo Lagrange Sud-Ouest et l’Archipel. Une initiative qui met la lumière sur un tiers-lieu unique, acteur éducatif et dynamique majeur de son territoire.
L’université Toulouse Capitole a reçu le 11 mars 2023, à l’initiative notamment de Léo Lagrange Sud-Ouest et du tiers lieu éducatif l’Archipel de Tournefeuille (31), la 8e Nuit des Idées. Consacrée au thème « Plus ? », cette édition centrée sur les valeurs et la transition du territoire, l’évolution des modes de production et de consommation, ainsi que sur les enjeux démographiques et le rapport à la performance, entre pleinement en résonance avec le projet de l’Archipel. L’on pourrait résumer la volonté de ce tiers-lieu par une formule se trouvant dans l’un des livres qui l’a grandement inspiré, Les Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, d’Edgar Morin[1] : « La complexité humaine ne saurait être comprise dissociée de ces éléments qui la constituent : tout développement vraiment humain signifie développement conjoint des autonomies individuelles, des participations communautaires et du sentiment d’appartenance à l’espèce humaine. »
Un tiers-lieu prototype pour palier au déficit d’intégration
Fruit de trois ans d’étude locale et sociale menée à Tournefeuille auprès des jeunes de 15 à 17 ans afin de cibler leurs besoins et leurs habitudes, l’Archipel est d’abord fondé sur un constat d’urgence : l’insertion professionnelle des jeunes, ainsi que l’interactivité et le rapport à l’autre, ont été grandement entachés depuis la crise sanitaire : « Nous avons constaté que les structures d’accompagnement des jeunes n’étaient pas pleinement adaptées », indique Michaël Garrigues, directeur de l’Archipel. Ce tiers-lieu éducatif prototype est ainsi créé en 2019 avec un postulat de départ clair : « Ce lieu sert à diversifier les acteurs, à connecter les jeunes avec les institutions, le système associatif, les entreprises et les habitants afin de favoriser le partage », précise Michaël : « C’est un tiers-lieu éducatif, expérimental et innovant, dédié aux jeunes mais ouvert à tous. Ce lieu permet aux jeunes de gagner en compétences, en expériences et en réseau ». Un café associatif, un espace de production audiovisuelle, des ateliers de fabrication, un centre de documentation, un point d’information jeunesse, un espace connecté au monde du travail permettent ainsi à chacun.e de trouver sa place en fonction de ses centres d’intérêt, ses attentes et disponibilités. En 2022, l’Archipel a également été labellisé Alphaléo, un dispositif Léo Lagrange d’accompagnement des parcours de vie des 16-25 ans.
Au sortir du Covid, une affirmation éducative collective et fédératrice
Ce tiers-lieu s’inscrit également au sein d’une transition territoriale, écologique et sociale amorcée depuis le Covid-19 : « Il a fallu encourager la résilience des individus, leur permettre de sortir de chez soi et d’entrer dans un lieu, de mener un projet, de s’accomplir personnellement, de se réparer ». La crise sanitaire isolant les individus plus qu’elle ne les a fait se rencontrer, il a fallu leur permettre de renouer avec un quotidien personnel et professionnel ; le tiers-lieu, précisément éducatif, se mue en porte d’entrée vers une dynamique collective retrouvée. Il est également indéniable de constater la dépendance et la réciprocité qu’entretiennent les individus et les tiers-lieux qu’ils fréquentent : le lieu se développe grâce aux compétences de ceux qui le font vivre, et inversement, ceux qui le font vivre développent, affinent et consolident leurs compétences. C’est aussi un lieu souhaitant s’inscrire comme alternative pédagogique et éducative de son territoire, qui en accord avec les lycées et collèges de son département, accompagne la recherche de stage et de débouchés professionnels tout en permettant l’accueil et l’accompagnement individualisé de jeunes : « On agit en complémentarité des institutions scolaires, aussi bien dans le domaine professionnel que dans celui du soutien personnel : on accueille des stagiaires issus du collège comme des lycées. On a accueilli un jeune homme de 18 ans moqué, rejeté dans son lycée parce qu’il qui s’habillait et se coiffait comme une fille. Il s’est tout de suite senti à l’aise, il a pu discuter avec tout le monde ». Symboles de ces investissements scolaires, pédagogiques et sociaux pluri-générationnels, l’Archipel, en plus d’être étroitement lié à l’école du Petit Train de Tournefeuille, a participé, en 2022, à la co-création au sein de l’Université Toulouse Capitole d’un Diplôme Universitaire intitulé « Conduire et animer la transition du territoire ».
Une pluralité d’initiatives concrètes
Organiser, dans la bienveillance et la tolérance, des rencontres afin de créer du lien, d’encourager la coopération les opportunités et les projets, voici ce qui résumerait au mieux la volonté des acteur.rices et bénévoles de l’Archipel. Fort d’une fréquentation de jeunes majoritairement âgé.es de 20 ans, la volonté d’offrir puis d’accompagner de jeunes individus dans leurs perspectives d’avenir est soutenu par plusieurs initiatives concrètes : l’organisation de tables rondes et de groupes de parole basé sur les centres d’intérêts de chacun.e afin de provoquer rencontres et projets, la mise en place d’une friperie « L’archifripe » avec des vêtements à 1 euros, ou encore la création d’une webradio et d’émissions filmées, par exemple en collaboration avec un lycée espagnol de Palma de Majorque, témoignent de la diversité, de la pertinence et de l’actualité des outils proposés.
Agir sur le terrain numérique
Le soutient des jeunes de tout âge ne se cantonne pas au seul tiers-lieu L’Archipel : « on ne peut pas accompagner les jeunes sans prendre en compte les nouvelles technologies, les nouveaux terrains numériques ». Soucieux de déployer l’accompagnement et le dialogue également sur internet, Michaël Garrigues est membre des Promeneurs du net, un dispositif expérimental de la Caf, issu de la Suède, voué à sensibiliser la jeunesse sur leur consommation internet. Le promeneur.se « écoute, informe, accompagne, conseille et prévient » sur les réseaux sociaux et les contenus consultés, tout en « dialoguant avec chacun, il renforce le lien social et cultive un esprit critique face à l’information et à l’image. ». La concomitance des enjeux sociétaux et numériques étant indéniables, cette initiative entend sensibiliser les jeunes, précisément sur leur consommation des réseaux sociaux et le temps passé devant les écrans : « On a constaté, en dialoguant, que certains jeunes passaient 6 à 8 heures par jour sur TikTok. Il est important de sensibiliser, par exemple, les délégués des collèges et lycées à ces dangers et ces problématiques ». Des enjeux primordiaux charnières pour les générations futures ; nul doute que l’Archipel, en plus d’être un acteur utile et pertinent de son temps, le sera pour les années à venir.
En savoir plus sur l’Archipel : https://archipel-tournefeuille.org/
[1]Edgar Morin, Les Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur,1999, Éditions du Seuil.