Quelles ont été les conséquences immédiates pour le secteur de la formation à Léo Lagrange lorsque le confinement a été annoncé ?
Dans le cadre de la politique de lutte contre la pandémie de Covid-19, tous les organismes de formation ont été dans l’obligation de suspendre l’accueil du public en formation à partir du 16 mars, et ce jusqu’à nouvel ordre. Cette interdiction a de fait mis en sommeil toute activité de formation continue présentielle ce qui représente l’ensemble de notre activité (à l’exception, entre autres, du CAP EMPLOI et du CFA de la MPS Formation). Face à cette situation inédite, nos équipes se sont mobilisées pour déployer des modalités de formation et d’accompagnement à distance tout en négociant avec les financeurs les conditions de prise en charge.
L’institut de formation PRÉFACE, qui intervient en milieu carcéral, a également dû suspendre ses activités. Les personnes sous main de justice ne pouvant avoir accès à Internet, la formation à distance n’est pas possible.
Comment les organismes de formation Léo Lagrange ont-ils su s’adapter et que proposent-ils ?
Dans le cadre de ProgrESS, démarche d’innovation collaborative lancée par la Fédération Léo Lagrange fin 2017, trois projets innovants ont suivi un parcours d’incubation pendant deux ans. L’un d’eux portait sur la digitalisation de l’offre de formation. Tout le travail réalisé dans ce cadre a joué un rôle crucial dans l’adaptation de notre offre de formation à distance. Le terrain était prêt à agir en urgence. En quinze jours, bénéficiant de l’avancée notable dans la construction de leur plateforme de formation à distance réalisée par l’équipe de l’ex-INSTEP Midi-Pyrénées, chacun de nos instituts de formation, à l’exception de PRÉFACE, s’est doté de sa plateforme de formation en ligne. Une équipe de chefs de projets a été constituée dans chaque institut afin d’accompagner la mise en place de cette nouvelle modalité pédagogique.
L’un des enjeux était de maintenir le lien avec les stagiaires déjà engagés dans un parcours de formation ou un dispositif d’accompagnement, d’éviter ainsi les ruptures de parcours et de faciliter les échanges à distance entre les formateurs et les stagiaires, à travers différentes modalités : accès à des ressources pédagogiques en ligne, accompagnement par téléphone, programmation en visioconférence de temps d’échanges, etc.
Qu’est-ce que la mise en place de la formation à distance implique ?
La formation à distance soulève de nombreuses questions et nous demande de repenser notre métier et la manière de l’appréhender.
Tout d’abord, elle ne peut pas être financée de la même façon que la formation en présentiel. Or, aucune modalité n’est prévue. Le recours à la formation à distance était jusqu’alors quasi absente des marchés et sa mise en place ne peut se faire sans l’aval des financeurs. Il y a donc tout un travail à mener avec chaque financeur pour intégrer de nouvelles modalités financières et pour adapter l’offre de service. Nous avons ainsi négocié avec certains financeurs tout en travaillant à la mise en place des formations à distance.
Ensuite, la mise en œuvre de formations à distance représente un énorme travail d’ingénierie et de création de contenus. On ne fait pas de la formation à distance comme de la formation en présentiel ! La formation à distance implique des nouvelles modalités pédagogiques et de travailler les contenus de manière différente. Par ailleurs, elle nécessite d’adapter les durées des formations. Par exemple, là où nous étions sur un rythme hebdomadaire de 30 heures, nous déroulons aujourd’hui des formations à distance sur une moyenne de 16 heures par semaine.
Enfin, de nouvelles problématiques émergent comme le taux de connectivité des stagiaires. Nous observons que selon les dispositifs, jusqu’à seulement 60 % des publics, qui ont répondu posséder le matériel nécessaire et être connectables, se sont réellement connectés. Au lancement des plateformes de formation à distance, les formateurs ont accompagné les stagiaires qui n’arrivaient pas à se connecter. Cette première étape d’assistance technique s’est avérée décisive car une fois connectés, nous avons constaté peu de décrochage de la part des stagiaires.
Jusqu’à maintenant, nous nous sommes concentrés sur l’accessibilité à distance des formations suspendues. En mai, la deuxième étape consistera à lancer de nouvelles formations à distance. Sous certaines conditions et sous réserve de l’accord du financeur, cette expérimentation sera une première !
Aujourd’hui, combien de formation à distance sont en cours et combien de stagiaires en suivent ?
Le nombre de formations à nouveau disponibles augmentent chaque semaine. Nous avons ainsi pu, par exemple, remettre en place des formations linguistiques dans le cadre des marchés de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), des actions certifiantes dans le domaine de l’animation (CPJEPS, BPJEPS, BP TLP) et des services à la personne, des formations aux compétences clés et des formations numériques et bureautiques. Chaque semaine, chaque institut étoffe cette liste.
Lorsque le financeur est d’accord, l’accompagnement du public en face à face a été remplacé par des entretiens par téléphone ou en visioconférence : prestations Pôle emploi individuelles ou collectives, dispositifs d’accompagnement individuel pour des bénéficiaires du RSA et des PLIE, actions d’élaboration de projet professionnel et d’insertion à destination des publics jeunes ou adultes.
Malheureusement, cela ne représente qu’une faible part des activités habituelles des instituts. Fin avril, 1 100 stagiaires ont ainsi pu avoir accès à une formation ou un dispositif de suivi à distance, soit moins de 20 % du nombre de stagiaires habituellement en présentiel.
Est-ce que ce type de formation à distance peut se mettre en place pour tous les types de formation ?
Toutes les formations ne sont pas possibles à distance en particulier celles qui mobilisent l’acquisition de gestes techniques et qui nécessitent des mises en situation professionnelle. Par exemple, nous ne disposons pas de plateaux techniques virtuels. Au-delà des limites techniques, proposer uniquement de la formation à distance n’est pas souhaitable. Le présentiel est très important dans l’acte de formation.
L’Etat encourage la formation des millions de salariés actuellement en chômage partiel. Est-ce que cela peut représenter un débouché ?
Dans le cadre de la crise du COVID-19, le dispositif FNE-Formation est renforcé de manière temporaire afin de répondre aux besoins des entreprises en activité partielle par la prise en charge des coûts pédagogiques. Cela signifie que le ministère du travail débloque des fonds supplémentaires pour favoriser la formation des salariés en chômage partiel. Nous avons ici un enjeu interne : la formation d’un maximum de nos salariés à l’utilisation des plateformes de formation à distance.
Quelles sont les prochaines étapes ? Qu’aurais-tu envie de dire aux salariés du secteur aujourd’hui ?
Conserver le lien, assurer une continuité pédagogique, éviter les ruptures et les abandons représentent un enjeu essentiel. Les salariés Léo Lagrange Formation ont déployé une belle énergie pour proposer en un temps record des réponses pédagogiques adaptées. Cette crise sanitaire nous a contraint à nous adapter et à réinventer notre métier de formateur. Cette réinvention va se poursuivre dans les semaines qui viennent. La reprise des formations en présentiel se fera de manière très progressive, et ce en fonction des réalités de chaque site d’activités, de chaque territoire, de chaque financeur. Nous sommes face à un éclectisme de situations. C’est un véritable travail d’orfèvre qui nous attend.
De nombreux stagiaires nous demandent quand nos sites vont à nouveau rouvrir leurs portes. Les formations en présentiel participent du lien social. Elles ne peuvent pas disparaître. Nous devrons les adapter au contexte, aux contraintes sanitaires et réinventer nos métiers. D’autres défis nous attendent, notamment vis-à-vis de nos publics qui sont des publics fragilisés. Les nouvelles modalités de formation qui verront le jour doivent être accessibles à tous afin de ne pas créer de fractures. Nous ne devons pas quitter des yeux notre objet social.
Le 5 mai, le ministère du travail annonce la sortie d’un guide de préconisations à l’attention des organismes de formation et centres de formation d’apprentis (CFA). Ce dernier devrait nous donner le « La » pour les prochaines étapes. Nous allons probablement devoir trouver les bonnes articulations entre la cohabitation possible de formations en présentiel et à distance et/ou l’ouverture de nouvelles formations à distance, afin que l’ensemble de nos activités reprennent progressivement, dans le respect des contraintes sanitaires qui s’imposent à notre secteur.
Mais je sais combien, pour réussir cette prochaine étape de continuité de nos activités, nous pouvons compter sur l’ensemble de nos équipes, tant leur implication, leur réactivité et leur investissement ont toujours répondu présents.