Venus en France pour 10 mois, Ives, Bill et Rachid, trois jeunes originaires de Côte d’Ivoire, du Bénin et du Niger sont en Service civique international auprès du Pôle engagement Léo Lagrange Nord-Ile-de-France. Parmi leurs missions : créer des animations interculturelles, développer les activités de Démocratie & Courage et rencontrer le réseau. A l’occasion d’une venue à Paris, ils nous racontent le dispositif du service civique international et leurs expériences.
Qu’avez-vous pu apprendre lors de cette mission au Pôle engagement Léo Lagrange Nord-Ile-de-France ?
Le service civique est une bonne initiative pour que les jeunes africains apprennent des méthodes ou outils autour de la construction d’activités d’éducation populaire. Entre nos pays et la France, les méthodes de création sont différentes et nous avons pu découvrir des choses que nous n’avions jamais vues. Par exemple, au Niger, les jeunes ne participent pas activement aux activités, il n’y a pas de travaux manuels mais il s’agit plutôt de montrer au tableau comme en classe.
Grâce au dispositif, nous avons pu participer à la construction d’outils d’engagement des jeunes. Nous avons notamment participé à un conseil municipal d’enfants (CME) ou à des activités de théâtre forum. Nous allons pouvoir réintroduire ce que nous avons vécu une fois de retour dans nos pays. C’est tout à fait intéressant de voir que les enfants peuvent avoir la parole dans la vie communautaire et un regard sur les politiques de la ville. Ce sont des acteurs à part entière, qui participent. Ils réfléchissent sur ce qu’ils veulent faire et peuvent alors faire connaître leurs droits. Nous souhaitons vivement accompagner les jeunes autour de nous à développer leurs projets ainsi et faire entendre leurs voix.
Un autre aspect qui peut être repris au pays est la sensibilisation des enfants avant les interventions. En France, les jeunes ne manquent jamais de respect envers les animateurs extérieurs car ils sont prévenus en avance par les professeurs. L’accueil est préparé.
De manière générale, toutes les méthodes peuvent être transformées. Nous pourrons parler des violences basées sur le genre ou des discriminations en adaptant les outils au contexte (culture, âge, etc.). Les activistes féminines existent au Bénin par exemple mais c’est à développer. Travailler les thématiques de harcèlement, le rôle des femmes et l’égalité, cela peut se faire. De plus, proposer des activités intergénérationnelles, comme nous l’avons vécu, ne se fait pas vraiment au pays et pourtant ces activités présentent de nombreux bénéfices éducatifs pour les participants.
A quoi ressemble une semaine type ?
Deux ou trois interventions par semaine sur Démocratie et courage. 1 jour au bureau pour rédiger les bilans et programmer les prochaines activités et rencontres. Et enfin 1 jour off car nous travaillons 28 heures par semaine.
Que pensez-vous avoir apporté au dispositif ou aux jeunes ?
Nous avons pu apporter notre personne et nos cultures. Les enfants aimaient beaucoup les petits jeux pour briser la glace en début de séance. Les chants étaient notamment très populaires auprès des jeunes. Nous avons fait bouger les salles !
Nous avons également pu créer des activités qui, nous l’espérons, seront répliquées par les animateurs et volontaires qui viendront piocher dans la bibliothèque méthodologique. Ainsi, un programme sur le numérique, Data kids, ou bien une activité sur le cyber-harcèlement, pourront désormais permettre aux plus jeunes d’être sensibilisés aux bienfaits comme aux dangers de la technologie. De plus, une activité sur la danse traditionnelle, au Niger et en Côte d’Ivoire, devrait voir le jour à la fin du mois de juillet à Wattignies. Nous aurions dû le faire plus tôt mais avec la crise sanitaire, les plans ont été un peu bousculés.
En dehors du dispositif, nous avons été beaucoup investis dans des associations locales. Dans le quartier du vieux Lille, les activités sur la culture nigérienne avec chant, danse et percussions ont rythmé les mois en France.
Des regrets ?
Les regrets que nous avons sont liés à la crise sanitaire qui a évidemment touché nos actions. Nous avons fait le choix de rester en France mais nous aurions davantage pu développer nos projets personnels et apporter nos compétences avec plus de temps. La formation BAFA que nous avons suivi n’a pas pu être validée, faute de stage pratique et d’approfondissement des connaissances. Heureusement pour Rachid, qui reste encore jusqu’au mois de novembre, il pourra continuer. Pour Ives et Bill, cela ne pourra pas se faire à distance. Il y a donc un sentiment de rester sur des acquis incomplets mais cette première étape a toutefois été essentielle pour se sentir capable d’agir et confiant sur ses compétences.
Justement, comment avez-vous vécu le confinement ?
Rachid : Chaque soir à 20h, je jouais des percussions à la fenêtre. J’ai rencontré des personnes de mon quartier en leur apprenant les percussions et les chants africains. J’ai appris la musique à mon voisin et désormais je fais des animations bénévoles au foyer de jeunes travailleurs.
Ives : Je lisais beaucoup de livres à la bibliothèque. J’ai aussi voulu aider des personnes à faire des courses avec le Samu social.
Bill : Le confinement a été l’occasion de faire de nouvelles rencontres au sein de la résidence et de se sentir plus à l’aise et plus intégré. J’ai aussi beaucoup pris des nouvelles du pays.
Des conseils pour les prochains volontaires ?
La vie en France est chère et il est assez difficile de se faire plaisir. Il faut être bon cuisinier pour économiser car il n’est pas possible de manger au restaurant tous les jours ! N’hésitez pas à ramener quelques condiments pour s’habituer à la nourriture le premier mois.
Ce qui manque un peu, c’est la chaleur sociale. Les lillois sont accueillants mais ce n’est pas comme au pays.
Quelles qualités faut-il avoir pour être volontaires ?
Il faut pouvoir s’adapter très rapidement et apprendre tout aussi vite ! Vous ne savez jamais vraiment comment les choses vont se passer avec un public d’enfants alors la clé est l’adaptation.
Pour finir, avez-vous des anecdotes que vous souhaitez partager ?
Rachid : Ma valise est restée au Maroc à mon arrivée à Paris. Heureusement je n’ai pas eu à attendre trop longtemps mais ce n’est jamais très agréable.
Aussi, nous avons dû animer des ateliers sur la découverte des graines mais nous ne connaissions même pas les arbres ou plantes car nous n’en avions jamais vu auparavant. On a fait des choses incroyables au BAFA comme se mettre des trucs sur la tête ou être déguisés en Schtroumph, il faut pouvoir se lâcher !
Enfin, il est arrivé à Bill de prendre un escalator dans le sens contraire mais… chut !