La crèche Les P’tits Matrus à Saint-Etienne (42) expérimente depuis le début de l’année 2023 un projet social qui vise à réserver certaines places en crèche à des familles accompagné.es par des travailleurs sociaux. Horaires atypiques, accueil occasionnel et accueil répit : les partenaires peuvent solliciter la crèche à différentes étapes du parcours d’insertion sociale et professionnelle des parents. Retour sur ce premier semestre d’expérimentation, avec le témoignage de deux partenaires et de la directrice des P’tits Matrus.
La crèche Léo développe depuis janvier dernier plusieurs accueils spécifiques :
- L’accueil répit, les samedis, pour permettre un accueil progressif des enfants, répondre à des besoins éducatifs spécifiques et apporter un regard professionnel complémentaire aux travailleurs sociaux lors de situations préoccupantes.
- L’accueil formation, pour les parents inscrits dans un parcours d’insertion professionnelle et qui doivent trouver un mode de garde ponctuel pour suivre une formation.
- L’accueil en horaires atypiques, ces emplois étant souvent occupés par des personnes en reprise d’activité et qui sortent de la précarité.
Contribuer à l’insertion professionnelle des parents tout en répondant aux problématiques de chaque enfant
Après ce premier semestre de mise en œuvre, Marion Meguellati, directrice de la crèche des P’tits Matrus, constate que l’accueil occasionnel et l’accueil répit ont été très sollicités, ce qui n’est pas le cas, pour l’instant, de l’accueil en horaires atypiques : « nous avons eu beaucoup de demandes d’accueil occasionnel provenant de mères de familles isolées pour des entrées en formation. Pour l’accueil répit du samedi, nous avons actuellement 5 enfants inscrits sur les 6 places disponibles. Ils sont pour beaucoup suivis par la protection de l’enfance, deux professionnelles de la crèche sont présentes à chaque fois, ce qui permet de réaliser un accompagnement adapté et de se focaliser sur les problématiques de chaque enfant. »
En tout, les P’tits Matrus ont accueilli 16 tout-petits de 14 familles différentes.
De plus, deux ateliers parents-enfants ont été organisés à destination de toutes les familles de la crèche, pour répondre à leurs questions et faciliter la rencontre entre elles. La salariée Léo explique : « les professionnel.les donnent quelques conseils et c’est un temps dédié pour l’enfant et ses parents. Nous avons aménagé le jardin sensoriel par exemple et organisé aussi une session jeux d’été. Une dizaine de parents ont participé à chaque atelier, cela contribue à rompre l’isolement de certaines familles. »
La progressivité de l’accueil en crèche : le répit le samedi pour lever les premiers freins puis l’accueil occasionnel en semaine
L’association ACARS accueille les mères de famille dans le cadre de situations sociales d’urgence et les accompagnent ensuite dans leur projet d’insertion. Très souvent, le mode de garde constitue rapidement un frein pour les démarches d’insertion.
Christelle Raffard, responsable du pôle hébergement de l’ACARS, a orienté deux usagères pour l’accueil répit : « c’est parfois compliqué pour les personnes que nous accompagnons de laisser leur enfant. C’est un premier frein à lever. Une mère de famille a laissé tout d’abord son enfant les samedis, elle a ainsi découvert le fonctionnement de la crèche, elle a appris progressivement à se séparer de son enfant et lorsqu’elle a entrepris ses démarches d’insertion professionnelle, elle était prête pour solliciter l’accueil occasionnel en semaine. »
L’ACARS emploie deux éducatrices de jeunes enfants qui travaillent étroitement avec les professionnelles de la crèche, le mode de garde faisant totalement partie du projet personnalisé construit avec la famille par les travailleurs sociaux : « lorsque les personnes ont la possibilité de laisser leur enfant en crèche, elles peuvent prendre du temps pour elles, se reconstruire et envisager un projet de vie », précise Christelle Raffard.
Au total l’association a orienté 4 familles, dont 2 en accueil répit et 2 en accueil occasionnel. Une 5è famille avait été orientée mais a quitté l’ACARS pour un logement autonome et n’a pas souhaité donner suite .
Croiser les regards sur les enfants
L’ANEF Loire intervient dans les domaines de la protection de l’enfance, de l’insertion par le logement et de l’inclusion sociale. Marion Meguellati avait sollicité l’ANEF Loire, pour présenter le projet social de la crèche. Emmanuel Faure, chef de service à l’ANEF Loire a orienté la mère d’un enfant qu’il accompagne : « sa maman voulait entrer en formation et recherchait donc un mode de garde occasionnel, elle souhaitait aussi que son enfant soit socialisé en accueil collectif. De plus, il y avait eu une information préoccupante avec un soupçon de maltraitance. » L’accueil en crèche a permis de croiser les regards sur la famille et l’enfant, les professionnel.les Léo n’ont pas confirmé les soupçons de maltraitance.
La mère de famille utilise également l’accueil répit du samedi pour le « passage de bras », tel que l’appellent les travailleurs sociaux : il s’agit de la transmission de l’enfant entre les deux parents lorsque ceux-ci sont séparés. Emmanuel explique que les relations entre les parents sont compliquées, l’enfant est donc déposé par la maman à la crèche et le père vient récupérer son enfant puis le ramène à la crèche. La structure petite enfance sert de médiation ici afin que le père puisse exercer son droit de garde, sans mettre en difficultés la mère de l’enfant.
« Pourvu que ça dure ! »
Emmanuel Faure et Christelle Raffard ont tous les deux conscience que 2023 est une année d’expérimentation pour ces accueils spécifiques. Il.elles se réunissent en comité de pilotage tous les trois mois, avec Marion Meguellati et Karine Baudoin, déléguée territoriale à la petite enfance, ainsi qu’avec les autres partenaires, afin d’échanger sur le dispositif, partager les retours des familles et des équipes, passer en revue les freins à lever.
« C’est très important de travailler ensemble, ces accueils proposés par la crèche nous ont été très utiles » confirme le chef de service de l’ANEF Loire. Idem pour la processionnelle de l’ACARS qui complète : « nous faisons en sorte que l’équipe se saisisse de ces places en crèche et que cela devienne un réflexe dans nos pratiques. Pourvu que ça continue ! »
Pour garder le contact :
Marion Meghellati
Directrice de la crèche Les P’tits Matrus
marion.meguellati@leolagrange.org