Travailler comme formateur.rice en milieu pénitentiaire représente un engagement de tous les instants, dans un environnement sous fortes contraintes. Les formateur.rices de PREFACE, organisme de formation Léo Lagrange, spécialisé dans le milieu pénitentiaire, nous racontent leurs missions, leur rôle, leur posture face aux stagiaires et les partenariats. Et aujourd’hui, PREFACE fête ses 20 ans !
Des formations techniques, linguistiques, d’orientation ou de remise à niveau
PREFACE met en œuvre dans toute la France des programmes de formation dans de très nombreux domaines : compétences-clés, français langues étrangères, certifications professionnelles, remobilisation et orientation professionnelle. L’insertion et la préparation à la sortie se prépare à chaque instant et dès l’entrée dans le milieu carcéral.
« Nous accompagnons des stagiaires qui ont des défaillances en termes de compétences comportementales, nous devons les aider à mettre toutes les chances de leur côté pour qu’ils puissent s’insérer. Notre force est de construire une réponse globale qui réponde à tous les besoins des stagiaires. » Marie-Eve Zilioli est directrice de PREFACE.
« Par la découverte des gestes techniques dans les métiers de la restauration, du bâtiment et du nettoyage, les stagiaires peuvent se projeter dans un secteur professionnel tout en validant les modules. Par exemple, ils devront concevoir un repas ensemble, l’un d’eux épluchera les légumes, un autre s’occupera de la cuisson, un troisième réalisera la sauce. Ils abordent le travail en équipe par cette activité mais aussi le français, avec la lecture des recettes. » Albin Albrique, coordonnateur Grand-Est, au sujet de la certification professionnelle CléA.
« Nous remobilisons les personnes détenues qui ont souvent des parcours de vie chaotiques, elles sont souvent très éloignées des codes sociaux attendus en formation et en emploi. Elles sont de tout horizon, tout âge, certaines ont une vie passée avec des repères dans le monde du travail et ont connu une rupture. D’autres sont très jeunes et n’ont pas les codes pour s’insérer seules ». Laura Vernhettes est formatrice sur le dispositif PREP à Nantes (44), pour femmes détenues.
« La formation linguistique permet aux détenus de s’intégrer, même si beaucoup repartent car ils sont expulsés. Cet apprentissage aura une utilité pour leur temps de détention : pour comprendre et se faire comprendre. De plus, c’est valorisant, car beaucoup sont en échec. Réapprendre et obtenir un 1er diplôme les valorise. » Clothilde Kasic est formatrice sur le dispositif FLE à Annœullin (59).
La posture et les qualités des formateur.rices en milieu carcéral
Les stagiaires formé.es et accompagné.es par les formateur.rices de PREFACE se trouvent parfois en maison d’arrêt, en attente de jugement, ou purgent de courtes peines. Il.elles sont aussi en maison centrale sécurisée pour de longues peines. Les effets de la détention sont perceptibles constamment sur les détenu.es, il.elles sont souvent très éloigné.es de l’emploi et des codes sociaux exigés en formation. Les professionnel.les qui les accompagnent doivent alors adapter leur posture et disposer de qualités certaines.
« Avec ce public très éloigné de l’emploi, le défi n’est pas technique, il est surtout pédagogique. Mon objectif est de créer les conditions favorables pour que les semaines que nous passerons ensemble soient aussi agréables que possible et que les stagiaires intègrent une dynamique d’apprentissage. » Cédric Muzzarelli, formateur en informatique.
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« J’ai réussi à m’imposer, vous me respectez, je vous respecte. J’emmène parfois du café de l’extérieur, je mets un fonds musical pendant la séance. Il faut être une main de fer dans un gant de velours. » Nadia Zemmouri est formatrice référente de parcours à Béziers, pour l’Instep Occitanie, en partenariat avec PREFACE.
« Avec les personnes détenues il faut faire preuve de beaucoup d’écoute, savoir observer et faire émerger en eux ce qu’il y a de plus positif, faire ressortir leurs atouts. Nous avons un rôle de médiation entre le dedans et le dehors. Entre leur parcours d’hier et leur parcours de demain. Nous devons leur montrer le monde du travail, ce qu’on attend d’eux dans la vie sociale. » Betty Bianchini est coordonnatrice d’activités à Grasse et Cannes (06).
Les partenariats indispensables pour la réussite des parcours des stagiaires
Les professionnel.les de PREFACE collaborent étroitement avec les services pénitentiaires et d’autres acteurs de l’insertion sociale et professionnelle. Ces partenariats se révèlent indispensables pour la réussite des parcours des personnes détenu.es et atteindre l’objectif de tou.tes : la non-récidive.
« Nous avons un partenariat avec une association qui gère une réserve naturelle. Pour ceux qui bénéficient d’un aménagement de peine, ils travaillent alors à la restauration des berges. Pour d’autres, très proches de la sortie, l’équipe de l’administration pénitentiaire me demande de les garder en formation même après l’obtention de leur diplôme, pour les isoler du monde carcéral et leur éviter des problèmes. De plus, ainsi, ils conservent un lien avec le milieu professionnel jusqu’à leur sortie. » Benjamin Levasseur était formateur en horticulture à la maison centrale sécurisée d’Arles (13).
« Lorsque des travaux doivent être réalisés dans les locaux, la maison d’arrêt me sollicite et me demande un devis. PREFACE signe le contrat, la maison d’arrêt achète les matériaux et nous réalisons le chantier : changement de lavabo, pose de lambris dans un couloir, doublage des murs de la salle des surveillants, etc. Ces travaux remplacent le stage en entreprise et permettent aux stagiaires de mettre en application leurs connaissances. » Philippe Roulet est formateur d’agent de maintenance des bâtiments à Périgueux (24).
« Le point clé pour que ça fonctionne : notre action est très proche des SPIP, services pénitentiaires d’insertion et de probation, nous travaillons main dans la main car tout passe par eux. Nous devons aussi développer en interne des partenariats pour démultiplier ce qui pourra être proposé aux détenus : les ULE, unités locales d’enseignement, Pôle emploi, autres organismes de formation, administration pénitentiaire. Et aussi avec les acteurs externes comme les structures d’insertion par l’activité économique. » Isabelle Cailleton, manager en Nouvelle-Aquitaine.
Le saviez-vous ? PREFACE a fêté ses 20 ans en octobre dernier à la Friche de la Belle de mai à Marseille. Revivez cet événement !