Depuis 2012, Léo Lagrange Nord-Île-de-France gère la mise en œuvre de la coordination culturelle à destination des personnes placées sous main de justice en Ile-de-France. En collaboration avec les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et en lien avec les structures culturelles du territoire, les 11 coordinateurs Léo Lagrange assurent ainsi la programmation d’activités adaptées : arts plastiques, musique, atelier d’écriture, théâtre…
Aux origines
« Tout a commencé en 2006 », rappelle Patricia Prestat, déléguée territoriale à l’animation pour Léo Lagrange Nord-Île-de-France. « Le directeur du SPIP 93 souhaitait faire entrer la culture dans la maison d’arrêt de Villepinte. Il s’est rapproché de Léo Lagrange pour piloter ce projet. Ce furent les prémisses de notre intervention, sur le volet culturel, en milieu carcéral. » Au fil des années, Léo Lagrange Nord-Île-de-France est intervenu dans d’autres maisons d’arrêt et centres pénitentiaires d’Ile-de-France.
« Notre réseau culturel s’est étoffé et nous avons enrichi nos propositions culturelles en direction de ce public spécifique. Depuis 2012, nous gérons la programmation culturelle des 12 établissements pénitentiaires d’Ile-de-France ce qui permet de donner plus d’ampleur et de cohérence à l‘action culturelle co-construite avec la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris (DISPP). » Cette mission est menée à bien avec la collaboration des Services pénitentiaires d’insertion et de probation d’Île-de-France, de la Direction régionale des affaires culturelles ainsi que des différents acteurs pénitentiaires et culturels intervenants au sein de ce dispositif.
La culture en prison, pourquoi ?
Depuis sa création, la Fédération Léo Lagrange considère et affirme que l’accès à l’art et à la culture est un droit fondamental qui participe à la formation du citoyen et ce, tout au long de sa vie. Chez les adultes comme chez les plus jeunes, le champ culturel et artistique aide à reconstruire la confiance en soi. Conformément à son engagement, la Fédération Léo Lagrange entend promouvoir la culture par tous, pour tous et en tous lieux. « Ce sont souvent des publics éloignés de la culture qui peuvent se révéler dans l’écriture, dans la prise de parole. Ce sont des espaces d’action, de réflexion et d’émancipation », abonde Patricia.
Par ailleurs, en milieu carcéral, l’accès à la culture contribue à éviter les effets désocialisant de l’incarcération et à préparer la sortie de prison. C’est un élément à part entière du parcours d’insertion ou de réinsertion d’une personne placée sous main de justice. « L’enjeu prioritaire de l’institution pénitentiaire et les politiques éducatives de notre association se rejoignent sur les principes d’égalité des chances, de justice sociale, d’émancipation de l’individu et de dignité humaine », poursuit Patricia.
Une programmation culturelle ambitieuse
« Nous avons des publics différents et nous établissons la programmation en prenant en compte cette diversité », explique Nelly Faure-Kiener, coordinatrice culture pour le centre pénitentiaire de Fresnes. En amont des projets, les coordinateurs vont à la rencontre des partenaires, participent à la construction et à l’accompagnement du projet, établissent les conventions, gèrent les budgets et les cessions de droits. Pendant le projet, ils sont sur le terrain avec les intervenants et les personnes placées sous main de justice, prennent part aux permissions de sortir. « Nous sommes là du début à la fin de chaque projet », résume Nelly.
Chaque coordinateur travaille avec un socle de partenaires et réfléchit à la manière de faire évoluer les propositions tout au long de la collaboration. « Nous travaillons beaucoup en lien avec des acteurs culturels locaux afin de faire vivre le territoire », explique Nelly. Les partenaires peuvent ainsi aussi bien prendre les traits d’une compagnie de théâtre locale que ceux d’une institution culturelle prestigieuse.
Au cours de l’année, trois types d’actions culturelles sont proposées :
- Des ateliers annuels, qui sont des rendez-vous réguliers pour avoir une pratique (arts plastiques, yoga),
- Des stages, qui permettent de monter des projets culturels suivis dans les champs du théâtre, de l’écriture, de la musique… Ils aboutissent à une création qui est présentée lors de restitutions,
- Des événements ponctuels, qui prennent la forme de conférences, concerts, spectacles…
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« Récemment, un groupe de 9 détenus a travaillé avec la compagnie théâtrale Narcisse sur le texte d’un auteur suédois », raconte Nelly. « Les détenus se sont énormément investis, ont appris leur texte en cellule. Il y a eu une formidable cohésion d’équipe et un engagement fou des participants. Le projet s’est clôturé par une restitution à la maison d’arrêt des hommes et par deux représentations extérieures au théâtre de Rungis et de Fresnes. »
Transformation d’une salle d’attente pour les familles en salle d’exposition, consultations poétiques, organisation d’un prix littéraire, mise en place de parcours musicaux et d’ateliers de création chorégraphique et plastique, création d’un livre de cuisine, sont autant de projets qui ont pu voir le jour en 2022 dans les établissements pénitentiaires franciliens.
« Ce qui me plaît dans mon métier, c’est d’avoir ce lien privilégié avec les détenus et de leur apporter quelque chose qui change leur détention, leur perception des choses », conclut Nelly. « Nous faisons se rencontrer des personnes qui ne seraient pas rencontrés à l’extérieur. Les personnes détenues reprennent confiance en elles mais aussi en la société. On est au fondement même de la réinsertion. Par ailleurs, le regard porté sur les personnes détenues change aussi, la société les perçoit différemment à travers le prisme de la culture. »
Pour en savoir plus sur la programmation culturelle en milieu pénitentiaire francilien, découvrez Fenêtres sur cour qui revient sur des moments forts de l’année 2022 :
Fenêtres sur cour n°8 – 2022
Les coordinateur.rices Léo Lagrange Nord-Ile-de-France en milieu pénitentiaire
Camille Blumberg – Maison d’arrêt de la Santé (SPIP 75)
Marie Deaucourt – Centre de détention de Melun (SPIP 77)
Irène Muscari – Centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin-Neufmontiers (SPIP 77)
Anne-Laure Réveillard – Centre pénitentiaire sud francilien (SPIP 77)
Clémentine Pillet – Centre pénitentiaire de Bois d’Arcy (SPIP 78)
Michael Thales – Maison centrale de Poissy (SPIP 78) et Maison d’arrêt des femmes de Versailles (SPIP 78)
Adeline Mathieux et Nora Sami – Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (SPIP 91)
Zoé N’Diaye – Maison d’arrêt des Hauts de Seine (SPIP 92)
Elfie Iriarte – Maison d’arrêt de Villepinte (SPIP 93)
Nelly Faure-Kiener – Centre pénitentiaire de Fresnes (SPIP 94)
Imène Dahmani – Maison d’arrêt d’Osny (SPIP 95)
Pour garder le contact :
Patricia Prestat
Déléguée territoriale à l’animation Léo Lagrange Nord-Île-de-France.
patricia.prestrat@leolagrange.org
Visuel de début d’article : Dessin de Léa Jézéquel, représentant « Un Homme qui marche », un spectacle conçu et mis en scène par Heloïse Sérazin d’après l’histoire du Soldat de Stravinsky, réunissant sur scène personnes détenues et artistes professionnels, en partenariat avec l’Orchestre de chambre de Paris.
Centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin-Neufmontiers (77)