Depuis près d’une décennie, la Fédération Léo Lagrange propose à Besançon des Ateliers socio-linguistiques (ASL), destinés aux adultes migrants pour améliorer leur autonomie sociale et leur compréhension des enjeux contemporains. En 2024, ces ateliers se concentrent sur l’éducation aux médias, offrant un espace de dialogue et de réflexion sur des sujets tels que la fiabilité de l’information. Avec une approche pédagogique inspirée de l’éducation populaire, ces séances encouragent la prise de parole et renforcent le lien social au sein de la communauté.
Depuis une dizaine d’années, la Fédération Léo Lagrange intervient au sein du centre social de l’ASEP Besançon dans le cadre des Ateliers socio-linguistiques (ASL). Nés d’une demande des maisons de quartier municipales et associatives, les ASL menés par le pôle engagement de Besançon sont répartis dans les structures qui les sollicitent, et évoluent chaque année pour répondre aux besoins des participant.es.
« Nous avons eu l’habitude de proposer des contenus visant à aborder le principe de laïcité et les valeurs de la République. Cette année, la demande a portée sur l’éducation aux médias », explique Marion Richard, coordinatrice du pôle engagement de Besançon. En 2024, 5 structures bisontines, dont l’ASEP, bénéficient de trois séances de 2h auprès de groupes d’adultes. Mais un ASL, c’est quoi exactement ? Zoom sur la séance du mardi 12 mars 2024.
Une approche pédagogique axée sur l’expression et le dialogue
Ce matin, Auguste Chabot, chargé de mission au pôle engagement de Besançon, accueille Christelle, Laura, Isaac, Irina, Aïcha et Erna à l’ASEP pour 2h d’atelier sociolinguistique. Communément, ces ateliers sont définis comme une approche pédagogique visant le gain en autonomie sociale d’adultes migrants vivant en France. Pour le pôle engagement de la Fédération Léo Lagrange, l’approche pédagogique implique une méthodologie bien particulière, inspirée de l’éducation populaire. « Mon boulot ce n’est pas de parler d’égalité, de féminisme, de racisme, c’est de les FAIRE parler de ces sujets. On a les outils, les postures, les compétences pour permettre aux gens de parler », explique Auguste.
Face aux participant.es assis en demi-cercle, l’animateur ouvre la séance par des présentations « brise-glace ». Tour à tour, on cite sa spécialité culinaire favorite : choucroute, bœuf bourguignon, tajine, riz thaïlandais, ou encore sarma, une spécialité roumaine, sont cités. Certain.es fréquentent l’ASEP depuis de nombreuses années et se connaissent déjà, la complicité des échanges en témoigne et rend l’ambiance amicale et accueillante. Les présentations (re)faites, Auguste lance un brainstorming autour de la thématique du jour, « les médias », et dessine au tableau un nuage de mots pour représenter les idées citées. Les médias évoquent de nombreuses notions : « pouvoir », « désinformation », « instruire », « actualités », « manipulation » et bien d’autres, qui suscitent des réflexions sur les connotations positives et négatives qui leurs sont associées.
Auguste ne perd pas de vue l’objectif de la séance, faire parler les participant.es sur ce sujet de société brûlant, et leur permettre de s’exprimer. Catherine Gallois, responsable de la maison de quartier ASEP le souligne : « La méthodologie Léo Lagrange et les moyens utilisés favorisent énormément la prise de parole. Il y a des participants qui parlent bien le français et qui sont là pour apprendre l’écrit, d’autres qui ont plus de difficultés à l’oral. Les ateliers sont adaptés aux différents groupes et les difficultés de chacun sont prises en compte. La philosophie des intervenants de Léo Lagrange consiste à essayer de faire parler tout le monde, c’est ce qui est important pour nous. »
Faciliter la prise de parole et la compréhension des enjeux médiatiques
Atelier suivant : la rivière du doute, où les participant.es doivent prendre position dans l’espace, pour signifier leur accord ou désaccord avec diverses affirmations liées à la fiabilité de l’information sur internet. Cette activité encourage les échanges et la justification des points de vue, exprimés avec de plus en plus d’aisance au fil de la séance. Une aisance qui s’explique notamment par le sentiment de confiance qui règne dans la salle. « On me dit que je suis très souriant et que les ateliers sont agréables. En réalité, c’est facile d’être souriant quand ça te fait plaisir d’être là. Et eux, ça leur fait plaisir qu’on ait envie de les écouter. Au pôle engagement, on a une écoute de qualité, et les personnes qui assistent aux ateliers le ressentent. On écoute jusqu’au bout, on ne coupe pas la parole, on reformule pour être sûrs d’avoir compris le propos », témoigne Auguste, et de confier : « Ce que j’ai tendance à apprécier, c’est quand les personnes cherchent leurs mots, que je leur en propose plein, et qu’à un moment, la personne me dit « oui, c’est ça que je voulais dire ! », et qu’elle dit quelque chose de super intéressant derrière, en arrivant vraiment à exprimer ce qu’elle avait en tête. »
S’en suit, toujours dans le même objectif, un atelier pratique où les participant.es doivent identifier les titres de journaux à partir de leurs Unes partiellement masquées. On confronte les propositions et discute de la subjectivité éditoriale et de la position des médias, ce qui permet non seulement d’améliorer son expression orale, mais aussi de creuser autour de la thématique principale de manière très enrichissante. « Je suis inscrite ici à l’ASEP depuis ma retraite, cela fait plus de 10 ans. C’est le quatrième ASL que je fais et celui-ci était mon préféré, ça m’a beaucoup plu. Cet atelier était très enrichissant au niveau de ma culture et de mon vocabulaire, mais j’ai aussi appris beaucoup de choses sur les médias et les réseaux sociaux, parce que je ne suis pas une spécialiste ! », témoigne Laura à la fin de l’atelier.
Des apprentissages pratiques pour favoriser l’intégration sociale
Et le retour positif de Laura n’est pas un cas isolé d’après Catherine Gallois, très satisfaite du partenariat avec la Fédération Léo Lagrange. Elle affirme : « Les gens sont très contents que ça existe parce que les thématiques abordées sont des sujets que tout le monde connait sans vraiment les maitriser. C’est intéressant d’avoir une parole de référence sur les thèmes de prédilection du pôle engagement : la laïcité, les valeurs de la république, la place de la femme, l’égalité des genres, les violences, les médias. Souvent, le retour c’est qu’on peut dire ce que l’on veut pendant les débats, on n’est pas jugé. Les personnes nous disent que ça crée aussi de la discussion avec leurs proches. Cette méthodologie de débat libère la parole et crée du lien au sein de la maison de quartier. »
Cette initiative a non seulement rempli son objectif de sensibilisation aux défis médiatiques actuels, mais elle a également renforcé le lien social au sein du groupe participant. Elle a confirmé la pertinence continue des ASL dans le paysage associatif de Besançon, en offrant aux adultes un espace privilégié, d’échange, de dialogue et de réflexion, pour aborder des sujets de société essentiels.
Pour garder le contact :
Marion Richard
Coordinatrice du pôle engagement Léo Lagrange de Besançon
marion.richard@leolagrange.org
Pour en savoir plus sur les activités du pôle engagement de Besançon :
Les Lundis de Léo : des formations pour lutter contre les discriminations