Les jeux vidéo responsables des émeutes de juillet 2023 ? À en croire certaines considérations politiques, il existerait une corrélation entre les œuvres vidéoludiques et la considération débridée de la violence chez les jeunes. Un constat aucunement partagé par la Fédération Léo Lagrange et le pôle Alphaléo La Grange aux projets de Dijon. Fort d’idées et de projets ambitieux, le centre dijonnais use de l’été comme d’un terrain d’expérimentation par lequel faire découvrir la conception d’un Jeu Vidéo à ceux qui ne partent pas en vacances, en collaboration avec le collectif d’artistes contemporains Aether Laser. Focus sur les ateliers débutés les 11 et 13 juillet, poursuivis les 25 et 27 juillet, ainsi que les 1er et 4 août.
Une collaboration made in La grange aux Projets sur l’art numérique du jeu vidéo.
Parce que les Jeux Vidéo ont acquis depuis plusieurs décennies une place considérable dans le champ artistique et l’imaginaire d’une génération, il suffisait de demander aux jeunes qui passent l’été près de La Grange aux projets les domaines qu’ils souhaitaient explorer : « Le domaine vidéoludique est venu d’une discussion avec des jeunes que l’on accompagne, un des points communs qui lie la jeunesse est la présence des jeux vidéo dans leur quotidien. C’est un domaine très technique, de passion, d’engagement et qui nécessite un travail d’équipe pour aboutir. Ces valeurs sont partagées par la Fédération Léo Lagrange » décrit Antoine Racki, responsable de La Grange aux Projets. Des valeurs communes qui sont aussi un fondement afin de constituer un projet solide pour lequel les jeunes sont prêts à s’investir, et à créer.
De jeunes encadrés à encadrants : un partenariat pertinent avec Aether Laser
Les jeunes participant.es, âgé.es entre 18 et 27 ans, ont dû s’inscrire avant l’entame des ateliers. Ces derniers ont été gérés par le collectif artistique Aether Laser devenu une association depuis février 2023, date du début de l’accompagnement par La Grange aux projets depuis cette date.
Un suivi sur le long terme, qui a permis d’envisager une collaboration durant l’été : « Nous accompagnons le collectif dans ses actions mais aussi les artistes qui le composent individuellement. Ce qui est intéressant c’est que les 5 artistes travaillent l’art numérique et qu’ils ont développé des compétences très différentes dans ce domaine et c’est leur complémentarité qui a donné la possibilité de réaliser le projet Jeu Vidéo. Ils se sont formés chacun aux compétences des autres membres, cette étape d’apprentissage par les pairs est le point de départ et le point central de notre projet ».
Au collectif artistique de compléter : « Cet été, le collectif Æther Laser souhaitait porter un projet d’ateliers culturels autour de la création de jeu vidéo destinés à des jeunes entre 16 et 30 ans. Ils ont été réalisés sur 8 séances de 4h au sein de la structure Alphaléo – La Grange aux projets à Dijon ». Toutes ces séances répondent d’un emploi du temps précis :
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- Écriture du scénario et design graphique – les 11 et 13 Juillet de 14h à 18h.
- Photogrammétrie et création sonore – les 25 et 27 Juillet 14h à 18h.
- Création de map et modélisation 3D – les 1 et 4 Août de 14h à 18h.
- Finissage et gameplay – le 16 Août à 14h.
Ces séances, étalées sur une demi-journée, suivent un déroulement défini en amont : « Le déroulé type d’une demi-journée d’atelier est assez simple : un binôme d’Aether Laser se présente en matinée pour préparer le contenu du jour, une carte de développement en papier est enrichie par chaque binôme à chaque séance, pour un suivi simple et visuel. Ensuite on accueille les participantes et les participants du jour, un petit point a lieu sur les étapes réalisées et celles qui restent à faire et pour finir c’est parti pour 4 heures d’atelier, à la fois studieuses et joyeuses » poursuit Antoine Racki.
Par le collectif, créer une œuvre unique.
Ces quatre heures d’atelier, qui de mieux que les encadrants du collectif Aether Laser pour en parler ? « Durant ces différentes séances, les participants ont pu participer à des ateliers d’écriture pour la narration, de modélisation 3D, de création musicale, de photogrammétrie, de landscape design, de character design, de programmation, d’apprentissage du logiciel et moteur de jeux vidéo Godot ».
La découverte de l’art vidéoludique et sa conception par des jeunes, qui sont aussi des utilisateurs, cristallisent un objectif, inscrit sur le plus long terme ; celui d’être une initiation à un prisme artistique populaire qui fusionne plusieurs domaines créatifs, comme l’indique un membre du collectif : « L’objectif de ces ateliers était de donner la possibilité à ces jeunes de s’initier à une forme d’expression artistique à travers la fabrication ludique d’un jeu vidéo. L’occasion, pour nous, de montrer que ce medium est un art complet, traversé par de multiples domaines de création ».
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Les jeunes ainsi devenus créateurs et développeurs de leurs propres jeux, s’inspirent et s’approprient les pratiques de conception, afin de les prolonger et les reproduire, dans un futur plus ou moins proche. Une continuité qui ne déplait pas à Antoine Racki, pour qui ce type d’atelier « fait-maison », duquel les jeunes peuvent tirer une satisfaction certaine, peut être prolongé chez soi, et par sa propre initiative : « Pour moi l’objectif premier est l’apprentissage par les pairs : le collectifs Aether Laser est un bon exemple de réussite entre eux mais aussi vers les jeunes participants. Ensuite l’aspect technique et l’accessibilité des logiciels : toute la création c’est fait avec des logiciels libre, pour la captation sonore et des images un simple téléphone suffit… Cet objectif de donner des outils et des méthodes “artisanales” qui fonctionnent bien pour qu’une prolongation soit possible nous semblait cruciale. Pour finir, la création collective est valorisée par ce projet, donc c’est la validation de compétences sociales pour pas mal de jeunes. De même qu’on a travaillé sur la confiance en soi des animateurs et des participants en mettant aussi de l’ambition dans le projet ».
Un objet final qui leur est propre, comme le conclue Aether Laser : « Tous en coopération sur un projet commun, les jeunes ont vu comment leurs savoirs et leurs aspirations pouvaient s’additionner pour créer un objet unique. »
Une collaboration avec l’Education Nationale ?
Unique, comme l’est ce projet et l’initiative qui l’accompagne, autant portée sur le domaine artistique vidéoludique que sur le gain de confiance en soi, et la fierté de l’œuvre accomplie. Le jeu, présenté et testé le 16 aout, est jouable, et chaque participant à la conception repartira avec une clé USB dans laquelle il est stocké. Si l’on peut considérer cet accomplissement comme la phase 1 du projet, une seconde phase ne saurait se faire attendre, cette fois à destination d’un public précis : « Nous comptons utiliser cet outil (la création de jeu vidéo) pour capter les élèves décrocheurs, en leur donnant un objectif ludique et technique, une rigueur de travail et un objet final dont ils pourront être fiers. La phase 2 de ce projet se fera donc avec l’Education nationale, en essayant le dispositif avec les élèves décrocheurs du lycée le Castel à Dijon».
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Le jeu vidéo proposé au lycée comme prisme de découverte professionnelle, qui l’aurait cru, il y a encore quelques années ?