Les professionnel.le.s ados, jeunesse et des pôles engagement se sont retrouvé.e.s pendant deux jours à l’occasion de la convention professionnelle, dont la question centrale était « Comment accompagner les jeunes face aux différentes formes de violences ? ». Ateliers, table-ronde, conférences et battle d’éloquence… en visio, dans la convivialité, la bonne humeur et le professionnalisme !
La première journée a exploré les formes de violence, leur expression, leurs conséquences. Les participant.e.s étaient réparti.e.s en onze groupes différents et ont réfléchi à partir de plusieurs scénarios de violence : la violence institutionnelle, la violence entre pairs, la violence discriminatoire et la violence liée aux représentations. Lors de la restitution, il.elle.s ont partagé leurs analyses quant aux conséquences de ces violences et ont complété avec des expériences issues de leur pratique professionnelle.
Rémy Lemaître, sociologue spécialiste des publics ados et jeunes, a ensuite insisté en préambule de sa conférence : il n’existe pas une jeunesse mais des jeunesses. A partir de ses investigations auprès de très nombreux jeunes dans le département de l’Hérault, il a observé que le monde des jeunes aujourd’hui est un monde marqué par la violence. Afin de penser le monde et de comprendre le réel, il a regroupé les jeunes en trois catégories : les jeunes de QPV[1], les jeunes de quartiers résidentiels et les jeunes des milieux ruraux. Chaque catégorie disposant d’un rapport au monde et à lui-même différent, symbolisé entre autre par des mots, des constances et des différences dans leurs représentations.
L’une des violences qu’il observe est liée à la place : la question de la place des jeunes dans la société. Ou son sentiment d’absence. Il nous étonne lorsqu’il évoque une « socialisation de la désintégration du monde » : les représentations des jeunes sont marquées par l’idée d’une fin : du monde, de la famille, des déplacements, des enfants, du travail, de la planète terre ou encore de la paix.
Rémy Lemaître ponctue tout son exposé par la référence au « nous » et au « je », le « nous » étant très présent chez les jeunes de QPV alors que le « je » l’est davantage pour les jeunes de quartiers résidentiels. « Plus les « nous » sont étroits et fermés moins le « je » existe […] dans un monde où les « nous » sont étroits et ne communiquent pas entre eux, il y a peu de « je » ». La question du « nous » et du « je » est liée aux notions de radicalité et à l’hétérodoxie, qui concluent l’exposé du sociologue.
Ont suivi de nombreuses questions, remarques, témoignages. Le tchat a tourné à plein régime pendant deux jours ! Ainsi, Claire Lequièvre, directrice du service de loisirs éducatif à Margny-lès-Compiègne (60) proposa « Faisons des QPV des Quartiers Poétiques de la Ville » et Charlotte Gloriot du Hub Pays Mornantais (69) espère que « Le SNU[2] va permettre de mixer les jeunes au niveau de leur milieu social et de permettre échanges et rencontres »
Pour terminer cette première journée de convention, les participant.e.s ont eu le plaisir de découvrir ou de ré-écouter la « Lettre pour la jeunesse et la génération de demain » de Fatima DAAS sur France inter https://www.franceinter.fr/culture/carte-blanche-la-lettre-de-fatima-daas-pour-la-jeunesse-et-la-generation-de-demain
La journée du vendredi était davantage centrée sur les actions à mettre en œuvre et les dispositifs existants. L’atelier réflexif du matin reprenait les différentes formes de violence observées la veille en tentant de proposer à chaque fois des solutions pour prévenir, lutter, accompagner et agir après. Les professionnel.le.s Léo s’inspiraient également, à nouveau, d’expériences issues de leur pratique.
Rendre les jeunes acteur.rice.s, détecter les signes de harcèlement, donner une vraie capacité d’agir, reconnaître le droit à la différence, former à la communication non-violente, éduquer aux conséquences juridiques et psychologiques de la violence, travailler avec les partenaires locaux, définir la notion de consentement, organiser des temps de rencontres entre police et jeunes… et encore tellement de pistes, idées et suggestions d’actions et de projets pour accompagner les jeunes qui subissent les violences et les produisent.
Pour compléter ces échanges de pratiques, une table-ronde donnait ensuite la parole à des membres de Cartooning for peace, Eloquentia et Chagrin scolaire. Chacun détaillait sa méthode, ses outils, sa philosophie et ses impacts auprès des jeunes.
Chagrin scolaire réalise des consultations de thérapie brève, d’après l’Ecole de Palo Alto, avec les enfants, leurs parents et les enseignant.e.s qui vivent des difficultés et sont en souffrance dans le cadre scolaire. Cécile Marguin, psychopraticienne chez Chagrin scolaire illustrait sa pratique avec la flèche verbale, outil pour aiderles enfants harcelés et moqués: « nous faisons des jeux de rôles avec l’enfant pour qu’il s’entraîne […] nous lui disons de lancer sa flèche verbale seulement lorsqu’il la connaît par cœur. […] en plus nos flèches elles ne sont pas gentilles, sinon ça ne marche pas, donc il faut beaucoup s’entraîner, mais dans 50% des cas ils n’auront pas besoin de sortir leur flèche ».
Eloquentia est un programme éducatif qui favorise le développement personnel grâce à des formations à la prise de parole et à l’éloquence. Partenaire de la Fédération Léo Lagrange via le programme Hub Léo, les intervenants nous ont rappelés leurs objectifs avec les jeunes : la prise de confiance en soi, l’éveil des jeunes à l’empathie et la prévention des violences verbales, grâce à leurs trois piliers, à savoir la bienveillance, l’écoute et le respect.
Cartooning for Peace, réseau international de dessinateur.rice.s de presse engagé.e.s, acteur de l’éducation aux médias et à l’information, était représentée par Willy Zekid qui s’exprimait depuis la Côte d’Ivoire. Il utilise le dessin pour accompagner les jeunes qui vivent dans la rue et pour qui la violence est intrinsèquement liée à leur expérience de vie. « Montrer qu’on peut donner son opinion autrement que par la violence » est l’objectif de ce travail à partir du dessin de presse. Il conclura par une interrogation quasi philosophique : « Est-ce que nous pouvons tout dire ? Oui, théoriquement, mais est-ce qu’il faut tout dire parce que nous en avons le droit ? Ma liberté s’arrête là où commence celle de l’autre. »
Une magnifique battle d’éloquence a mis un point final à ces deux journées. Lamiaa El Massaoui, Finaliste Eloquentia Marseille 2020 et Lamine Samassa, Finaliste Eloquentia Saint-Denis 2018, ont répondu à la question suivante « la violence est-elle légitime ? ». La prose poético-philosophique de Lamia a argumenté en faveur d’une violence légitime alors que le récit de Lamine tentait de démontrer l’inverse : « quand on impose une règle par la force, elle ne survit que par elle. »
[1] QPV : Quartier Prioritaire de la Ville
[2] Service National Universel
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