Pour comprendre son public afin de lui proposer une programmation culturelle adaptée, Michael Thales, coordonnateur culturel en milieu pénitentiaire, a procédé comme lors de ses voyages d’études : passer du temps avec les personnes, s’asseoir avec elles pour partir à leur découverte. Peu importe qu’il s’agisse de l’Amérique du Sud, de l’Asie ou de Poissy (78), la rencontre avec l’autre demande du temps. Approche anthropologique et humaniste, Michael s’est immergé dans son environnement de travail lors de sa prise de poste et fait aujourd’hui salle comble dans les ateliers qu’il propose aux détenus. Rencontre !
Diplômé d’un master en développement culturel en 2013, le professionnel a voyagé sur plusieurs continents pendant ses études pour découvrir les projets culturels sous toutes les latitudes. La volonté de connaître l’autre, « découvrir l’humain à travers ses différentes facettes » a motivé et motivent toujours Michael.
De l’art contemporain au label de musique
Arrivé sur le marché du travail, il assiste de jeunes artistes contemporains : « je réfléchissais avec eux en atelier sur la scénographie de leurs œuvres, je préparais les expositions et les vernissages, j’accueillais le public. »
Il enchaîne avec un poste de coordination d’un label de musique, pour lequel il porte la double casquette de producteur et d’organisateur d’activités musicales. « Le Label produit de la musique et accueille aussi des projets extérieurs car il dispose d’une scène. La structure collabore aussi avec la maison d’arrêt de Nanterre, cette expérience a constitué mon premier contact avec le milieu carcéral. J’ai aussi piloté des projets culturels pour d’autres publics dits « empêchés » », détaille Michael.
L’appel de l’étranger s’est fait ressentir et il part alors un an mettre en place une galerie d’art dans un tiers-lieu en Asie du Sud-Est. À son retour en France, en 2019, il trouve l’offre d’emploi pour son poste actuel : « j’avais envie de travailler en réseau, dans un cadre défini et de sortir du milieu de l’art contemporain, les missions m’ont semblé intéressantes » se rappelle-t-il.
Comprendre le public et les lieux pour proposer une programmation adaptée
A sa prise de poste au sein du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) à l’automne 2019, il reprend la programmation de l’année précédente et commence à s’approprier ses missions lorsque la crise du Covid vient chambouler nos quotidiens. Si 2020 et 2021 ont été une succession d’ouvertures et fermetures, le professionnel l’a mis à profit pour comprendre son environnement de travail : « j’ai beaucoup appris sur la relation aux publics, entre autres en lisant ce que le Ministère de la culture en dit et en échangeant avec d’autres professionnels du même domaine. Ayant étudié l’anthropologie, j’ai mis en pratique ce que j’avais appris : j’ai passé des journées assis sur un banc avec les détenus, comme pendant mes voyages. Pour échanger avec eux. » Et comprendre comment ce microcosme fonctionne.
Car Michael passe 80% de son temps à la maison centrale sécurisée de Poissy et ne côtoie donc que des détenus qui purgent de longues peines. Les 20% restants sont consacrés aux femmes détenues à la maison d’arrêt de Versailles.
« Lorsque j’ai bien compris mon public, j’ai entrepris de construire des projets adaptés. J’ai rencontré des partenaires culturels de statuts très variés, sur tout le département ». En parallèle, il enquête dans l’établissement, identifie les lieux dédiés à la pratique culturelle et fait le lien avec les modes de déplacement des détenus : « ils font toujours le même chemin, j’ai donc pris en compte ce qui se passe en termes de circulation ». Car contrairement à une maison d’arrêt, ils se déplacent librement à l’intérieur de leurs quartiers.
L’inclusion et des sujets de société en filigrane dans chaque projet
Sans perdre de vue l’objectif qui est de lutter contre la récidive, Michael a aussi voulu intégrer dans chaque projet artistique avec les détenus des thématiques liées à l’inclusion et aux sujets de société, « j’ai pensé travailler le dedans-dehors, qu’est ce qui fait l’actualité à l’extérieur ? Quels sont les grands thèmes de société ? Et les faire entrer en prison par la pratique artistique. »
En 2022-2023, ce sont 20 projets artistiques et culturels qui ont été menés par les détenus avec des intervenants extérieurs, la plupart en lien avec la création plastique, photographique.
Un laboratoire d’innovations culturelles
Michael estime avoir accès à un laboratoire d’innovations culturelles, grâce à la programmation qu’il déploie depuis plusieurs années. « Je suis toujours en quête d’idées pour que ça fonctionne, que les personnes détenues rebondissent vers d’autres projets et que la dynamique reste toujours là. Et c’est passionnant ! »
Pour garder le contact :
Michael Thales
Coordinateur culturel
Maison centrale de Poissy (78) & Maison d’arrêt pour femmes de Versailles (78)
michael.thales@justice.fr