Développer un programme d’activités artistiques et culturelles en maison centrale, donc avec des personnes détenues pour de longues peines, demande au coordinateur culturel de s’adapter à un microcosme bien particulier. Michael Thales a pour cela longuement observé et échangé avec les personnes sur place, il a aussi analysé leurs itinéraires d’un lieu à l’autre, afin de proposer une programmation qui réponde à leurs attentes et qui utilise les ressources du lieu.
Contrairement aux maisons d’arrêt, les personnes détenues en maison centrale purgent de longues peines et seront donc moins souvent amenées à quitter l’établissement en cours de projet.
Cette présence dans le temps impacte la manière dont les professionnel.les agissent dans leur poste et déploient leur programmation.
Michael, coordonnateur culturel à la maison centrale de Poissy (78), au sein du service pénitentiaire insertion et de probation (SPIP), explique tout d’abord que l’offre proposée n’est pas exactement la même : « en maison centrale nous organisons de l’enseignement artistique, alors qu’en maison d’arrêt il s’agit d’ateliers d’éducation artistique et culturelle. »
Sculpture, musique, arts plastiques, médias…
L’enjeu de fidéliser les personnes et de les inciter à poursuivre leurs activités est donc fort : les personnes détenues pour de longues peines auront la possibilité de s’inscrire dans une réelle démarche artistique et de se former à une ou plusieurs pratiques. Leur permettre de trouver leur place dans cet enseignement constitue une manière de leur ouvrir de nouveaux horizons, de leur fournir des temps de respiration dans lesquels elles s’épanouiront.
Michael s’est appuyé sur les différents espaces à sa disposition pour créer chaque année sa programmation :
- Salle de sculpture – modelage
- Studio d’enregistrement hip hop
- Salle de musique avec des instruments
- Salle de loisirs créatifs pour l’électronique et le bois
- Salle média avec un pôle son et image
- Bibliothèque
- Des jardins
Subsistait toutefois la problématique d’amener les personnes détenues jusqu’à ces lieux qu’elles n’ont pas toujours investis. De plus, pour le professionnel : « obliger les personnes à marcher, c’est positif, cela crée une dynamique et fait réfléchir ! »
Un projet artistique différent pour chaque salle, tous les ans
Pour chaque espace, le coordonnateur écrit tous les ans un projet avec un intervenant extérieur qui utilisera la technique et le matériel de la salle : « en apprenant la technique, chacun pourra ensuite revenir seul s’il le souhaite et investir la pratique artistique en question ». De plus, chaque projet intègre une dimension sociétale et traite de l’inclusion.
Par exemple, pour l’activité peinture basée sur la pratique du portrait à partir d’un modèle déjà existant, l’intervenant et Michael avaient convenu que tous les modèles représenteraient des personnes non-genrées : « nous leur avons montré des créations contemporaines de portrait pour lesquels il était difficile de déterminer le genre de la personne. Ils devaient chacun en choisir une puis la reproduire, cela devait les faire réfléchir. »
Invertir les espaces extérieurs : jardins, terrain de sport
Par ailleurs, les jardins étaient en friche et personne ne les avait investis. Le professionnel a eu l’idée de travailler sur la stimulation des 5 sens, « avec les années de détention, ils ont peu de stimulation, ce sont toujours les mêmes odeurs par exemple ». Et aujourd’hui, la plupart des projets trouvent à un moment donné leur place au jardin ! Une fontaine créée par l’atelier bois et électronique vient d’y être installée !
Les autres espaces extérieurs constituent aussi des terrains de jeux artistiques : « nous sommes en train de réaliser des fresques murales tout autour du terrain de sport. Le projet s’intitule « fenêtre sur cour » et représente la nature. »
Concevoir un programme pour fidéliser
Utiliser les ressources sur place, concevoir des projets qui répondront aux attentes du public, tout en diffusant une réflexion sur des sujets de société avec la participation de partenaires expérimentés : qu’il s’agisse du milieu carcéral ou de l’extérieur, élaborer un programme demande de prendre en compte de multiples facteurs. La particularité de la maison centrale : le public reste sur place et sera là quoiqu’il arrive tout en ayant la possibilité de ne pas participer ! Donc l’enjeu est bien d’identifier ce qui retiendra leur attention pour les fidéliser. Et que les personnes détenues bénéficient ainsi de tous les apports de l’art et de la culture dans leur quotidien et pour leur future réinsertion.
Pour garder le contact :
Michael Thales
Coordinateur culturel Léo Lagrange
Maison centrale de Poissy (78) & Maison d’arrêt pour femmes de Versailles (78)
michael.thales@justice.fr