Lorsqu’un couple se sépare ou divorce, la question de l’annonce aux enfants peut se révéler complexe et douloureuse. Ensuite, ce sont les questions d’organisation pratique qui se bousculent, dans une période de fragilité émotionnelle. Alors quelles questions se poser avant d’annoncer la décision aux enfants ? Comment penser l’organisation de la garde entre parents ? Si je suis triste ou en colère, est-ce une bonne idée de l’expliquer à mes enfants ? Comment accueillir au mieux les émotions des enfants ? On fait le point avec Sabrina de Dinechin, médiatrice familiale qui accompagne de nombreuses familles durant les périodes de séparation.
Lorsque les parents décident de se séparer, à quoi leur faut-il penser avant de l’annoncer aux enfants ?
La première question à se poser, c’est en effet : « quid des enfants ? ». Quelle va être l’organisation qu’on va mettre en place pour eux ? Faut-il déménager ? De ces questions vont découler le mode de garde.
Il faut donc d’abord, avant d’annoncer la séparation aux enfants, que les parents se mettent d’accord sur le mode de garde. Si la question du déménagement se pose, cela va bouleverser la vie et les repères actuels de l’enfant : école, copains, copines, club de sport, etc. Il faut essayer de faire un pas de côté : se mettre dans les pantoufles de ses enfants et imaginer la solution la plus adaptée pour eux. On va reconstruire un modèle parental en faisant fi du modèle conjugal qui n’existe plus.
La question de la garde alternée ou de la garde classique va dépendre de la question géographique, de l’âge des enfants, de leur tempérament, de l’entente des parents. Puis, une fois qu’on est d’accord, on va l’annoncer aux enfants en prenant le temps qu’il faut.
C’est important aussi de leur dire que ce sont les parents qui décident du mode de garde même si les enfants peuvent avoir une voix consultative. On ne peut pas faire peser sur eux la décision de passer plus de temps avec l’un ou l’autre.
Comment l’annoncer ?
Les enfants n’ont pas besoin de connaître précisément les raisons de la séparation. Même si l’un des deux prend la décision, c’est important que les deux parents la portent. Les parents peuvent dire : « Nous avons décidé de nous séparer parce qu’on ne s’entend plus. Bien sûr on vous aime toujours et la séparation n’y changera rien. » Il faut prendre le temps d’expliquer calmement les choses.
Il faut ensuite que la réaction de l’enfant, quelle qu’elle soit, puisse être respectée et qu’il puisse être consolé. Il faut prendre le temps d’accueillir sa réaction, et c’est important que les deux parents soient là ensemble jusqu’à la fin de la discussion. On est à l’écoute, tout en acceptant que l’enfant n’ait pas envie de parler tout de suite si c’est le cas.
Il faut aussi choisir le bon moment, où et quand on en parle avec ses enfants. Connaissant le tempérament de leurs enfants, les parents doivent se mettre d’accord en amont. Ce n’est peut-être pas une bonne idée d’en parler dans leur chambre, mieux vaut choisir un endroit neutre comme le salon, ou à l’extérieur… ni idéal d’en parler le soir avant de se coucher ou avant les vacances. Les enfants ont besoin de poser des questions, mais ils ne seront pas forcément capables de les poser tout de suite. Il faut donc prévoir un moment pour accueillir les questions dans les semaines qui suivent.
Comment répondre au mieux à ces questions ?
Le sujet ne doit pas être tabou, les parents doivent être transparents. Il ne faut pas confondre la cellule conjugale avec la cellule parentale. Un parent quitte l’autre, mais il ne quitte pas ses enfants : les deux parents continuent d’aimer leurs enfants.
Il faut bien sûr les rassurer, leur rappeler aussi souvent que nécessaire que cette séparation n’est ni de leur faute ni de leur fait. J’ai reçu par exemple un jeune garçon qui avait grandi avec la certitude que ses parents s’étaient séparés à cause de lui car il était insupportable.
Il convient aussi de donner le juste poids à cet événement : ce n’est pas parce que l’enfant a beaucoup de copains dont les parents sont divorcés que le divorce a moins d’impact. C’est quelque chose qui est bouleversant et c’est important de prendre les choses à leur juste mesure.
Vous devez enfin rassurer l’enfant sur le fait qu’il a le droit de continuer à aimer chacun de ses parents, que rien ne change dans la relation des enfants aux parents. Il ne faut pas qu’il y ait de conflit de loyauté qui conduirait un enfant à « choisir » un parent. Les maîtres mots sont : sécuriser, rassurer et déculpabiliser.
Comment les rassurer dans cette période difficile ?
C’est important d’entrer dans les détails de l’organisation, notamment pour la passation de bras. Comment on fait ? Avoir un doudou de chaque côté ou pas ? Où se fait la passation ? Une chose qui apaise beaucoup les enfants, c’est de voir que les parents arrivent à se parler, que la cellule parentale demeure.
Par exemple, si l’enfant veut s’inscrire à un sport, on peut dire : « J’en parle à l’autre parent pour savoir ce qu’il en pense et je te réponds. »
C’est important aussi de redoubler d’efforts pour écouter son enfant, qu’il comprenne qu’on ne l’abandonne pas. Dans cette période de tumulte, c’est important de continuer à entretenir le lien, construire une nouvelle routine : demander le nom du maître, les informations sur les sorties scolaires, etc. Montrer à l’enfant qu’il a du poids aux yeux de ses parents dans cette période où il peut se sentir fragilisé.
Il faut apporter des réponses claires et ne pas tenter de mettre du positif artificiellement là où ce n’est pas le cas. Par exemple, ne pas dire « Mais c’est super ! Tu vas pouvoir avoir deux chambres » alors qu’on sait bien que c’est compliqué pour l’enfant, au départ, d’avoir deux chambres.
Les parents doivent comprendre qu’ils restent parents ensemble malgré la séparation. Ils vont devoir transformer leur relation en une relation de coparentalité pacifiée. Au début, si c’est difficile, vous pouvez utiliser des applications pour les parents séparés comme 2houses. Ou alors un WhatsApp familial où on échange les photos prises avec les enfants. Mais rien ne remplace le dialogue direct. N’hésitez pas à rencontrer un médiateur familial pour vous y aider.
Enfin, ce n’est pas parce qu’ils sont séparés que cela veut dire que les parents ne peuvent pas passer des fêtes de famille ensemble, comme les anniversaires des enfants, au contraire !
Peut-on parler de ses sentiments à ses enfants ?
Les enfants ont besoin d’être protégés. Ils ne sont ni nos psychologues ni des oreilles destinées à accueillir nos problèmes. C’est important de ne pas s’épancher. La tristesse ou la colère, il la ressentira. On peut dire qu’on est triste ou en colère de la situation mais pas en colère contre l’autre parent. Si je dis « ton père est vraiment… » on met l’enfant dans une situation où il est pris entre le marteau et l’enclume et c’est compliqué pour lui.
Il est essentiel que les parents prennent soin d’eux-mêmes et qu’ils n’hésitent pas à se faire accompagner par un psychologue ou un médiateur familial par exemple. C’est une période très violente et difficile. Il faut que les parents sachent que cela va parfois être compliqué pour eux de donner le meilleur d’eux mêmes d’un point de vue parental. Les enfants doivent rester à leur place d’enfant, sans se préoccuper des problèmes des adultes : jouer avec leurs amis, avoir de bonnes notes, et pas « il faut que j’aide Papa car il est triste ».
Sabrina de Dinechin est médiatrice familiale : elle accompagne de nombreux parents pour les aider à construire une relation apaisée après la séparation. Elle a écrit des livres à destination des parents pour les accompagner dans cette période.
Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant :
À lire
Rester parent après la séparation, de Sabrina de Dinechin, éditions Eyrolles
La médiation familiale, de Sabrina de Dinechin, éditions Eyrolles
Parents séparés, mode d’emploi pour une gestion simple, de Sabrina de Dinechin, éditions Hatier
À découvrir
L’application 2houses, pour mieux communiquer entre parents séparés
Divorce, séparation, comment les protéger?, une émission de la Maison des maternelles
Mes parents se séparent ou divorcent : Qu’est-ce que ça veut dire pour moi ?, une explication simple et accessible aux enfants, par le gouvernement du Canada