Malika Lemaitre est chargée d’accompagnement pour l’institut de formation Léo Lagrange PREFACE depuis l’ouverture d’une nouvelle maison d’arrêt, il y a douze ans, au centre pénitentiaire de Nantes. Elle intervient auprès des personnes détenues à la maison d’arrêt, dans le cadre de plusieurs dispositifs. La particularité de ce lieu : il est le fruit d’un partenariat public-privé. Et comme dans tous les établissements, les personnes incarcérées contribuent au fonctionnement en travaillant.
Dans le cadre de ce partenariat public-privé, certains services de la maison d’arrêt sont confiés à une entreprise privée. Les personnes détenues, à leur arrivée, peuvent candidater non seulement à une formation mais aussi à un emploi : cuisine, buanderie ou encore nettoyage… Malika les reçoit en entretien : « je rencontre tous les détenus qui veulent travailler. En fonction de leur parcours, de leurs envies et de leur situation pénale, j’identifie ce qui leur correspondra le mieux : un emploi ou une formation. Comme c’est une maison d’arrêt, il y a beaucoup de turn-over donc des postes de travail se libèrent sans cesse. »
La Plateforme de remobilisation et d’évolution personnelle (PREP) pour les femmes détenues
En parallèle de ces entretiens individuels, Malika intervient pour deux actions de socialisation et de remobilisation, qui visent à travailler sur les capacités comportementales et relationnelles. La Plateforme de remobilisation et d’évolution personnelle (PREP) existe depuis plusieurs années et s’adresse aux femmes incarcérées. Elles bénéficient avec cette action de six séances de trois heures chaque semaine. Malika précise : « elles sont souvent très éloignées de l’emploi. Donc nous abordons principalement la communication, le savoir-être, la confiance en soi et la valorisation de la personne. ».
Pour cela, plusieurs modules thématiques se succèdent : connaissance de soi, compétences sociales et civiques, culture générale, créations de meubles en carton, réalisation de mosaïques ou encore cuisine.
S’adapter à tous les profils, de 18 à 60 ans, quelque soit leur situation pénale
Les femmes détenues cumulent souvent plusieurs problématiques : sociales, sanitaires, addictions. La professionnelle a créé des ateliers pour travailler sur les émotions : « je les accompagne à mieux se connaître, à comprendre l’image qu’elles renvoient aux autres et comment les autres les perçoivent. »
L’objectif principal de la PREP : aider les femmes à reprendre confiance en elles afin qu’elles puissent ensuite rebondir et intégrer une formation qualifiante ou un poste de travail. Toutefois, Malika nuance cet objectif qui varie d’une personne à l’autre « les participantes à la PREP ont entre 18 et 60 ans. Certaines sont là pour quelques mois et d’autres attendent un jugement pour un crime avec une peine potentielle de 20 ans. Nous devons nous adapter à chacune afin que la formation leur apporte quelque chose. »
Pass’SPORT vers l’Avenir pour les jeunes majeurs
Si la PREP existe depuis plusieurs années, une nouvelle action de formation a vu le jour en mars 2021. Malika avait constaté que les jeunes hommes se voient refuser les postes de travail et les formations qualifiantes en raison de problèmes de comportement récurrents. Elle a donc créé en partenariat avec l’administration pénitentiaire un dispositif « sur mesure », adapté à ce jeune public : la formation Pass’SPORT vers l’Avenir. « Je collabore régulièrement avec la psychologue du parcours d’exécution des peines. Nous avons donc conçu cette nouvelle formation : ses participants suivent trois séances de deux heures en salle et une séance de deux heures et demie au gymnase avec un intervenant sportif. »
Les objectifs du Pass’SPORT vers l’Avenir sont pluriels : travailler avec ces jeunes majeurs l’estime de soi, les relations à autrui, les capacités comportementales, les habilités sociales ainsi que renouer avec la règle et se l’approprier. Et sur ce dernier point, la pratique sportive est très utile et bénéfique ! « Nous travaillons les règles grâce aux jeux sportifs. Lorsque nous abordons les discriminations, nous démarrons par les discriminations dans le sport. Lorsque nous voulons évoquer avec eux leurs valeurs, nous parlons tout d’abord des valeurs sportives. »
Apaiser les tensions et lever les incompréhensions au sein de l’établissement pénitentiaire
Pass’SPORT vers l’Avenir est également l’occasion de mieux faire comprendre et respecter les personnels travaillant à la maison d’arrêt. Pour cela, ils interviennent ponctuellement afin de présenter leur service. Malika illustre : « Lors de la livraison des cantines en cellules (produits achetés par les personnes détenues) ils peuvent parfois insulter le personnel privé ou le surveillant présent. Donc nous avons fait venir le responsable de la cantine qui a présenté son travail. Nous avons fait de même avec le service de probation et d’insertion professionnelle, le SPIP. » L’objectif ici est d’apaiser les tensions et de lever les incompréhensions, en faisant comprendre et respecter les règles ainsi que l’ensemble des personnes présente dans la maison d’arrêt.
Grâce à son expérience au sein de cet établissement, Malika observe une évolution significative depuis quelques années. De plus en plus de jeunes, avec de faibles niveaux de qualification et impliqués sur des affaires graves, intègrent la maison d’arrêt. Par ailleurs, un nombre très important de personnes détenues ne parlent pas français, « nous avons donc très peu d’actions à leur proposer, nous sommes démunis. Ils veulent travailler et se former mais les dispositifs existants ne sont pas adaptés. Donc cela génère de la violence au sein de l’établissement. Cela semble être un cercle sans fin : il n’y a rien pour eux en prison ni à l’extérieur. »
L’éducation pour tou.tes, partout, tout au long de la vie
L’éducation tout au long de la vie, pour tou.tes et partout, est indispensable pour une société apaisée. Les instituts de formation du réseau Léo Lagrange Formation (LLF) sont bien des acteurs incontournables pour permettre à tou.tes d’avoir accès à une formation tout au long de la vie, en adéquation avec leurs aspirations et aptitudes.
Pour en savoir plus sur l’institut de formation PREFACE:
L’expérience de Malika, Benjamin et Philippe, formateur.rices en milieu pénitentiaire
La formation d’agent de maintenance des bâtiments à la maison d’arrêt de Périgueux
Une formation horticole en milieu pénitentiaire à Arles, par PREFACE