Imaginer un autre rapport au monde, aux autres et à soi : la culture contribue à changer le regard des personnes détenues sur elles-mêmes et de la société sur ceux et celles qui cherchent à se réinsérer après une peine de prison. Zoe N’Diaye, coordinatrice culturelle, élabore une programmation faisant appel à différentes pratiques artistiques pour répondre, entre autres, à cet objectif. Redonner confiance en soi, émanciper, ouvrir de nouveaux horizons.
Un service civique à la maison d’arrêt de la Santé avant le poste de coordinatrice culturelle dans les Hauts-de-Seine
Après un master recherche et création contemporaine en arts plastiques, Zoé s’interrogeait sur la suite de son parcours. « J’ai entendu parler de la coordination culturelle en milieu pénitentiaire, j’ai contacté la personne qui s’en occupait à la maison d’arrêt de la Santé à Paris et j’ai réalisé un service civique de 8 mois à ses côtés. J’ai pris mon poste actuel juste après. »
Depuis mai 2022, la jeune femme assure la coordination culturelle au sein du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) des Hauts-de-Seine.
Ses missions sont diversifiées et couvrent toutes les étapes d’une programmation culturelle : la veille de l’actualité artistique, les rencontres partenariales, les échanges avec les artistes, la rédaction de projets et la recherche de financements puis tous les aspects logistiques et organisationnels de la mise en place des projets en détention. « Je suis en lien avec les services pénitentiaires ainsi qu’avec les personnes détenues pour leur présenter les activités, je reçois ensuite leur candidature et j’accueille tout le monde au démarrage de chaque action » précise la professionnelle.
Valoriser les personnes détenues et la légitimité de leurs cultures
Zoé cherche à valoriser les personnes détenues à travers les projets et à leur démontrer que leurs cultures sont légitimes, « ils pensent souvent que leurs cultures ne sont pas valables. »
Parmi les projets qui lui tiennent à cœur : la réalisation de portraits photo des personnes détenues. « Nous allons travailler avec une photographe et une artiste plasticienne. Les participants vont réfléchir avec l’artiste à 3 fonds peints qu’elle produira et qui servira pour leurs portraits. Ils seront ensuite accompagnés par la 2ème intervenante pour réaliser leurs portraits avec un appareil photo argentique. »
Ce qui motive le plus la professionnelle : le lien avec son public. Elle constate que leur participation aux projets contribue à changer l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, « à l’issue d’une représentation, lorsqu’ils sont applaudis, on voit leur fierté, jusque dans leur posture corporelle. » Ces réussites leur redonnent confiance et leur permettent de s’imaginer autrement, poursuit Zoé : « il est important d’intervenir pendant la détention car c’est l’occasion d’engager autre chose en vue de leur réinsertion. Les personnes détenues se révèlent pendant ces projets, on leur donne des clés pour oser penser autrement. »
Accéder à d’autres représentations du monde et imaginer un autre rapport aux autres
Organiser des activités culturelles en milieu pénitentiaire représente un droit, comme le droit à l’éducation ou à la santé. Zoé comptabilise 200 demandes d’activités chaque mois provenant des personnes détenues. « C’est une respiration pour eux. Nous leur donnons l’occasion d’accéder à des représentations plurielles du monde, d’imaginer différemment leur rapport aux autres. »
Si la culture est émancipatrice pour tou·tes et joue un rôle prépondérant pour la suite de parcours des personnes détenues, faire sortir leurs créations est aussi déterminant : « la diffusion de ces projets culturels en extérieur contribue à changer le regard que porte la société sur les personnes ayant été incarcérées et donc influencera la manière dont chacun les accueillera à leur sortie. »
La culture est un outil émancipateur aussi bien pour les artistes amateurs que pour les publics qui reçoivent les créations. Y compris lorsque les artistes sont des personnes détenues.
Pour garder le contact :
Zoé N’Diaye
Coordinatrice culturelle
zoe.ndiaye@justice.fr